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ils parlèrent longuement de l’Italie, et s’en allèrent bras dessus bras dessous au château.

Olivia se promenait avec miss Osborne sur la pelouse. Elle fut surprise et blessée de voir arriver Maxime en pareille compagnie, et ne lui adressa pas un reproche ; mais l’impression mauvaise était reçue. Déjà Maxime était diminué dans son esprit : à ses yeux, ce n’était plus un parfait gentleman.

Sir John galopait sur la route, à cheval sur un étalon indocile qu’il montait à nu. L’étalon s’effaroucha, et d’un saut de mouton lança son cavalier par-dessus la Hale. L’Italien poursuivit le cheval, et bientôt le ramena sous lui, frémissant et maîtrisé. Sir John s’était relevé tant bien que mal ; il demanda le nom de ce hardi dompteur. En deux mots, l’étameur lui raconta son histoire. — Puisque tu es si bon cavalier, lui dit sir John, nous te garderons à Saint-Alban, si c’est ta fantaisie.

L’étameur aimait les chevaux, il accepta de grand cœur ; mais le lendemain, quand on voulut l’affubler d’une livrée, il dit à Maxime : — Cet uniforme ne me va guère… Enfin, s’il le faut, ce sera pour vous, capitaine. — Sur l’ordre de Maxime, l’intendant rapporta la livrée au vestiaire ; mais il revint bientôt avec son costume de laquais sous le bras : miss Osborne l’avait exigé. Un sourire éclaira la belle figure spirituelle et moqueuse de l’Italien. — Je vois que je suis un trouble-fête ici, dit-il gaiement. En voyage ! — Il reprit son chaudron et ses fourneaux et partit en chantant, joyeux et libre sous ses guenilles.

Votre Italien est donc parti ? dit Olivia en rencontrant Maxime. Ce votre, ainsi accentué, voulait dire : Donnez-lui tout l’argent qu’il vous plaira ; mais votre amitié, y pensez-vous ? Elle prononça ce mot avec une hauteur qui trahissait tout son secret mépris pour les pauvres. En ce moment, Maxime lui trouva une vague ressemblance avec miss Osborne. Déjà cette pleine confiance qu’il lui gardait était altérée dans son ingénuité. Cette vigueur d’âme qu’il admirait en elle serait-elle faite d’insensibilité et de sécheresse ? Ces doutes et ces craintes le poursuivaient : il les repoussait sans oser les sonder, comme on écarte les illusions du mal. Il ne pouvait s’empêcher cependant d’opposer les souvenirs de la casa Olgiati à ses impressions de Saint-Alban. Quelle cause avait changé pour lui en une terre d’exil cette Angleterre qui pendant si longtemps s’était confondue dans ses rêves avec l’image d’Olivia ? L’entraînement romanesque de la vie de voyage avait pu un moment effacer des différences que la vie sédentaire accusait autour de lui de plus en plus. Les hôtes graves et froids de Saint-Alban n’avaient rien de commun, il était forcé de le reconnaître, avec les touristes aventureux et enthousiastes qu’il avait