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Sir John bondissait sur sa chaise ; il était indigné de l’inertie de ces paysans de Nasi. — Et ils vous ont refusé un cheval pour retourner à la bataille ! s’écria-t-il. Ah ! les misérables esclaves ! Venez avec moi.

Il l’entraîna à l’écurie, — Choisissez, dit-il en lui montrant trois vigoureux andaloux. N’hésitez pas, c’est à l’Italie que je les offre. Ah ! si j’étais libre comme vous, si je n’avais pas une famille sur les bras, je vous suivrais de grand cœur.

Maxime accepta. Quoique la nuit fût venue, il était décidé à se remettre en route, et sir John se chargea de lui trouver un guide. De son côté, la bonne et pitoyable miss Sarah n’avait pas perdu son temps. Elle était allée en toute hâte chercher le docteur Girolet, et comme le docteur revenait à petits pas pour ne pas troubler le travail de la digestion, elle le pressait, elle le poussait, elle s’irritait de ses lenteurs. Ils arrivèrent dans la cour d’honneur au moment où Maxime se disposait à partir. Sir John était en train de lui faire ses adieux. — Je vous réponds de ces armes, disait-il en lui mettant dans les fontes une magnifique paire de pistolets. Je les tiens du colonel Colt lui-même. Vous les tirerez à mon intention. Dieu vous garde, et faites-en bon usage en souvenir de moi.

— Mais il est blessé ! s’écria miss Sarah. Le docteur fit asseoir Maxime devant lui, et lui découvrit le bras pour sonder la plaie. Miss Sarah tomba évanouie dans les bras des femmes de chambre. Maxime voulait remonter à cheval. Quoique la blessure fût sans gravité, le docteur s’opposa au départ. Maxime, dit-il, avait grand besoin de repos, et d’ailleurs il était imprudent de le laisser partir ainsi, sans savoir si les routes étaient sûres. — Il fut décidé que le comte Alghiera coucherait à la casa Olgiati, et, sans plus tarder, le docteur Girolet se mit en route pour aller aux nouvelles dans la ville voisine. En partant, il laissa une belle ordonnance pour Maxime, et recommanda expressément de le mettre au lit de très bonne heure.

— Soyez tranquille, dit sir John, je serai son garde-malade. — Et dès que le docteur se fut éloigné, sir John vint dans la chambre de Maxime avec des flacons. — Voici mes tisanes, dit-il. Le cher Girolet est par chemins, nous sommes libres. Ni dames ni docteur. À nous deux !

Ils passèrent la soirée à boire du madère. Sir John but comme un Anglais ; Maxime s’efforça de lui tenir tête. Il s’endormit en pensant à miss Olivia, et dans les plus doux songes il vit passer mille fois ce profil élégant qu’il avait entrevu sous le feuillage, aux dernières clartés du soleil.