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pas lui demander la sérénité magistrale des écrivains qui se tiennent, pour ainsi dire, en dehors de leur œuvre; mais en revanche quelle finesse psychologique ! quelle connaissance des hommes ! La statue antique s’anime et nous livre tous ses secrets; Pyrrhus, Scipion, Philippe de Macédoine sont des révélations. Le sentiment du bien, l’admiration de tout ce qui est grand animent les peintures de l’auteur et en doublent le prix. Le succès de M. Mommsen est un des témoignages les plus honorables en faveur de l’intelligence et de la moralité publiques; l’Allemagne a lu avec émotion les récits de l’historien, et elle attend avec impatience les volumes consacrés à l’empire.

Allons au-delà de l’antiquité romaine, pénétrons dans les ténèbres du vieil Orient; là encore l’esprit de l’école nouvelle a porté la lumière et la vie. On sait tout ce que l’Allemagne a fait depuis un demi-siècle pour débrouiller les archives de l’Inde et de l’Assyrie. Que de recherches, que de découvertes enfouies dans des dissertations illisibles ! Il y a des philologues qui ne déterrent un monument que pour l’enterrer de nouveau dans un gros livre. N’est-il pas temps qu’un écrivain s’approprie les résultats de l’érudition et les coordonne avec art pour les faire connaître à la foule? Déjà un orientaliste éminent, le digne collaborateur d’Eugène Burnouf, M. Lassen, avait senti la nécessité d’une telle œuvre, et dans ses Antiquités indiennes il avait résumé les travaux du XIXe siècle sur cette terre de l’Inde où dorment nos ancêtres; mais M. Lassen ne s’est occupé que d’une partie de l’Orient. Il est d’ailleurs trop savamment, trop spécialement indianiste pour tracer ce tableau précis et populaire que réclamait l’Allemagne. Voici un écrivain qui n’a pas la prétention de faire des découvertes, il n’est pas orientaliste de profession; seulement il a lu tous les ouvrages des maîtres, il les a comparés et confrontés; armé d’une critique intelligente, animé d’un sentiment vrai de l’histoire générale, il a donné la vie à ces dissertations trop techniques, et sous le titre d’Histoire de l’Antiquité, il publie le seul tableau complet que nous possédions des destinées du vieux monde. Je parle de M. Max Duncker, professeur à l’université de Halle. Cette classification si méthodique, ce résumé si net et si intéressant de tant de richesses perdues pour la foule n’empêchera pas les pionniers de la science de pousser leurs fouilles plus avant. Au moment où M. Duncker coordonne les travaux de ses devanciers, un nouveau groupe de chercheurs étonne l’Allemagne par ses témérités. C’est M. Maximilien Roeth, esprit investigateur et hardi, qui fait des révélations inattendues et très vivement contestées sur les premiers rapports de l’Egypte et de la Grèce ; c’est M. J. Kruger surtout, le plus aventureux des érudits sur cette terre classique de l’érudition aventureuse, qui prétend avoir découvert toute une