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Goethe, le confident des philosophes et des poètes, et certainement l’un des meilleurs citoyens de l’Allemagne, Frédéric Perthès. Un des fils de l’illustre libraire, M. Clément-Théodore Perthès, professeur de droit à l’université de Bonn, a recueilli dans l’immense correspondance de son père tout ce qui pouvait peindre l’homme et le temps où il a vécu. Ce n’est pas seulement une œuvre de piété domestique qu’a composée le biographe; Frédéric Perthès a été en relations intimes avec les plus grands esprits de son siècle; il a eu son rôle dans les péripéties de son pays à l’époque de la révolution, et en le voyant agir, en l’écoutant parler, on sent battre le cœur de l’Allemagne. La Vie de Frédéric Perthès a été un des événemens littéraires de ces dernières années. Voyez aussi le beau livre que M. Robert Haym vient d’écrire sur Guillaume de Humboldt. M. Robert Haym était naguère un des journalistes les plus distingués de la Prusse; arraché violemment à sa tâche, il la continue aujourd’hui dans le domaine de l’histoire : sa biographie de Guillaume de Humboldt est une excellente prédication libérale. Là, comme partout, nous retrouvons cette préoccupation d’une vie nouvelle où la science, n’absorbant plus toutes les facultés de l’homme, ne sera que la conseillère de la vie militante.

L’histoire moderne n’est pas le seul théâtre où se manifestent ces aspirations généreuses; l’étude de l’antiquité a été renouvelée dans le même esprit. Un des succès littéraires de ces derniers temps, c’est à coup sûr l’Histoire romaine de M. Mommsen, professeur à l’université de Breslau, et M. Mommsen est à la tête du groupe dont je rassemble les titres. Érudit consommé, épigraphiste du premier ordre, M. Mommsen est le contraire d’un pédant. Chez lui, point de détails inutiles, aucune trace de cette vaine science qui n’apprend rien; tout est neuf et vivant dans le récit du jeune maître. Il a vécu parmi les Sabins et les Volsques, parmi les Étrusques et les nourrissons de la louve. Cette imagination, fille du savoir, qui fait revivre les temps disparus, est comme la muse de son récit. Vous pouvez le suivre d’un pas sûr; il se défie autant de la rhétorique des écoles que de l’érudition fastueuse. M. Ampère, avec sa pénétrante sagacité, a rendu le premier un bel hommage au travail du professeur de Breslau, car l’année dernière, dans ses études si remarquées sur l’Histoire romaine à Rome[1], il lui empruntait quelques vues lumineuses qu’il complétait lui-même avec bonheur. La liberté des appréciations politiques n’est pas un des moindres mérites de M. Mommsen; il connaît si bien ce peuple de la république, il est si parfaitement initié aux intrigues des partis, qu’il distribue l’éloge et le blâme avec une verve et une originalité singulières. Il ne faut

  1. Voyez la Revue des 15 février, 15 mars, 15 avril 1855, etc.