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principales lois organiques ne sont pas définitivement adoptées, et pendant ce temps le congrès prend un congé, retenant un pouvoir dont il ne sait pas user, et empêchant la formation de toute autorité vigoureuse. Il y a pourtant un raisonnement bien simple : si l’assemblée de Madrid a une mission exceptionnelle et souveraine, celle de reconstituer le pays, elle doit se hâter de terminer son œuvre ; si elle n’est qu’une assemblée ordinaire, elle peut être dissoute comme toutes les chambres. Quant au gouvernement, il se ressent de l’incertitude générale et de cette autre incertitude qui lui est propre, qui résulte de la divergence des vues. Les événemens de la Castille viennent montrer au cabinet espagnol ce qu’il peut espérer en ménageant les factions. Ces scènes de vandalisme, et plus encore la répression terrible qu’elles ont provoquée, creusent un abîme entre le gouvernement et les partis révolutionnaires. Espartero lui-même ne peut méconnaître les obligations que lui impose la situation nouvelle de l’Espagne. La première de ces obligations est de suivre résolument une politique propre à rassurer tous les intérêts ébranlés ou menacés. Il y a quelques jours déjà, le parti démocratique rompait décidément avec le président du conseil, et se déclarait contre lui. Il ne reste donc au duc de la Victoire qu’à accepter les con séquences de la position qu’il s’est faite et à tourner son influence au profit de la paix intérieure de la Péninsule.

CH. DE MAZADE.

REVUE LITTÉRAIRE
Théâtre-Français — Les reprises.

On a dit que Molière, en écrivant Amphitryon, avait voulu peindre les amours de Louis XIV et de Mme de Montespan. Le rapprochement des dates se prête à cette conjecture. Cependant je crois que le poète n’avait pas songé à toutes les allusions que les courtisans prétendaient deviner dans cette comédie. Cette opinion est d’autant plus facile à justifier, que les principales scènes de l’ouvrage français se trouvent dans la comédie de Plaute. J’avoue d’ailleurs que je ne saisis pas bien l’analogie qu’on veut établir entre la position du général thébain et celle du marquis de Montespan. Jupiter se donne la peine de tromper le mari d’Alcmène ; Louis XIV en agissait autrement avec les seigneurs de sa cour. Quand il avait distingué une femme dans les salons de Versailles, le mari ne lui causait pas grand souci ; peut-être même croyait-il de bonne foi lui faire beaucoup d’honneur, tant il était pénétré de sa qualité divine. Le marquis de Montespan, ayant eu le mauvais goût de se fâcher et d’adresser à sa femme des remontrances qu’un homme bien élevé n’aurait jamais dû se permettre, fut exilé dans ses terres, et le roi prit sa place sans que personne s’en étonnât. Or je ne trouve rien de pareil dans Amphitryon. Veut-on comparer le général thébain au marquis de Montespan ? Il est vrai qu’il parle à sa femme sur le ton de la colère, quand il apprend à son arrivée qu’Alcmène a passé la nuit dans les bras d’un autre Amphitryon ; mais j’imagine que la marquise de Montes-