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première est de savoir où est véritablement l’ordre, quelles sont ses conditions ; la seconde est dans l’effort incessant qu’il faut faire pour marcher dans cette voie de l’ordre véritable, pour s’y maintenir sans dévier. Tous les peuples sont occupés à résoudre ce problème, qui domine leur existence. La Hollande se trouvait, il y a quelques jours, jetée momentanément dans une situation difficile, presque critique, par l’avènement au pouvoir d’un cabinet soupçonné de nourrir une pensée de réaction religieuse et politique. C’était une conjecture, il est vrai, encore plus qu’un soupçon justifié. Les nouveaux ministres n’avaient point exposé leurs vues, ils n’ont pris réellement le pouvoir que dans les premiers jours du mois. Au moment où les états-généraux allaient se séparer, le ministre de l’intérieur a tenu à dissiper ces inquiétudes et à rassurer le pays ; sans laisser pressentir les plans du cabinet dont il est membre, il a déclaré du moins que le gouvernement nouveau ne préméditait aucune réaction. Les luttes politiques sont donc ajournées à La Haye.

Les conditions dans lesquelles se trouve le Piémont sont d’une nature particulière, comme on sait ; elles tirent leur gravité du travail intérieur des partis et de la situation du Piémont en Italie, en face ou à côté de l’Autriche. Le cabinet de Turin marche dans cette voie, qui n’est pas toujours sans péril ; en ce moment même, il vient de prendre une résolution qui n’est, à vrai dire, qu’une conséquence des actes politiques les plus récens du gouvernement du roi Victor-Emmanuel. Les plénipotentiaires sardes au congrès de Paris se sont plaints, on peut s’en souvenir, de la présence des soldats impériaux dans le duché de Parme, des travaux de fortification que l’Autriche a exécutés à Plaisance par une interprétation excessive des traités de 1815. À ces travaux opérés par l’Autriche, le cabinet de Turin répond aujourd’hui en fortifiant Alexandrie. Une ordonnance du roi, rendue sur le rapport du président du conseil, M. de Cavour, et du général La Marmora, rentré au ministère de la guerre, affecte un million à cette œuvre de défense de la frontière piémontaise. Il a fallu que ces travaux fussent considérés comme urgens, puisqu’ils sont ordonnés et commencés au lendemain de la clôture des chambres. La session législative se terminait en effet, il y a peu de jours, à Turin. Cette session, du reste, a été assez peu remplie sous le rapport des affaires intérieures ; tout s’est effacé devant la politique générale. Les principales discussions ont eu pour objet le rôle du Piémont dans les négociations diplomatiques, et sur ces questions il n’y a point de dissidence entre le ministère et les chambres. La vie parlementaire a donc été sans incidens. Le Piémont n’est pas depuis longtemps régi par des institutions libérales, et cependant on dirait qu’il compte déjà deux générations constitutionnelles : l’une active, jeune, ardente, l’autre datant de plus loin, plus mûre et plus éprouvée. À cette dernière génération surtout appartiennent des hommes qui ont trouvé leur place dans le sénat. L’un d’eux mourait il y a quelques mois, et sa biographie a été récemment écrite par un publiciste piémontais, M. Giorgio Briano : c’est le marquis Vittorio Coïli de Felizano. Le marquis Colli, qui était ne en 1787 à Alexandrie et qui appartenait à une famille élevée, avait servi dans les armées françaises sous l’empire. Il avait perdu une jambe à Essling. Depuis, il avait vécu de la