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vertu de la constitution de 1848, suspendue et non abrogée. Lequel de ces moyens, pense-t-on, est le plus efficace ? Il est facile de pressentir ce qui arriverait au premier sujet napolitain qui refuserait l’impôt, fût-ce en vertu de la constitution, tandis que l’influence attentive et patiente de l’Occident ne peut rester longtemps infructueuse, dans l’intérêt de l’Italie comme dans l’intérêt de l’Europe.

Si les affaires générales engagées un peu sur tous les points se ressentent aujourd’hui de l’influence de la saison et de ce besoin de repos qui saisit en certains momens tous les hommes, même les hommes d’état et les diplomates, cette stagnation devient bien plus sensible dans les affaires intérieures. Il y a un instant où tout semble s’arrêter et où la dispersion est complète. Le sénat achève ses travaux, parmi lesquels on peut compter le vote récent d’un sénatus-consulte sur la régence. Le corps législatif terminait, il y a peu de jours, sa session, après avoir voté un assez grand nombre de lois, et en laissant en suspens celle qui a été présentée pour supprimer les prohibitions douanières. L’été a son influence sur les affaires et sur les hommes, même quand il ressemble aussi peu que possible à l’été, comme il arrive en ce moment. C’est dans ce repos de la politique qu’une mort imprévue est venue frapper le ministre de l’instruction publique, M. Hippolyte Fortoul, qui était allé chercher en Allemagne le soulagement de sa santé. M. Fortoul est mort subitement à Ems. Il occupait le ministère de l’instruction publique depuis cinq ans déjà, depuis le 3 décembre 1851. M. Fortoul avait été simple écrivain d’abord, puis professeur de littérature à Toulouse et à Aix. La révolution de 1848 le faisait entrer dans les deux assemblées qui se sont succédé, et c’est la que le choix du prince venait le chercher pour le porter au ministère, où il est resté jusqu’au moment où la mort est venue le surprendre avec cette foudroyante rapidité que la fortune heureuse ne détourne pas. Cette fin brusque d’un homme jeune encore ne laisse place qu’à une impression de tristesse. Ainsi survient toujours quelque incident inattendu au milieu d’une situation ramenée au calme absolu par l’excès des agitations qui ont rempli notre temps.

Dans les évolutions et les transformations des choses, s’il est un fait singulier et profondément caractéristique, c’est cette succession de régimes, d’idées, de doctrines, qui ont prévalu et régné tour à tour. La politique est pleine de ces vicissitudes, inscrites dans l’histoire en traits saisissans. La philosophie elle-même, descendue de ses sphères sereines, n’a point échappé à ces alternatives qui ont fait surgir tous les systèmes. Quelles sont les tendances qui règnent aujourd’hui ? Ce ne serait pas le problème le moins curieux à examiner. Peut-être n’y a-t-il aucune tendance bien nette et bien prononcée. Peut-être ceux qui aiment la philosophie, ceux qui lui font une grande et juste place dans l’histoire et la mettent au premier rang dans l’interprétation des spectacles du monde, peut-être ceux-là mêmes sont-ils conduits à reconnaître qu’il y a tout au moins un temps de halte et d’indécision. Il y a trente ans, les questions philosophiques passionnaient les intelligences, l’enseignement était populaire, les œuvres qui traitaient de ces hautes spéculations de l’esprit humain étaient recherchées. Il n’en est plus ainsi aujourd’hui. Cela tient à bien des causes générales et à des causes particulières