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de religion se mêle la communauté de race, et la Grèce crée ainsi un danger permanent par l’attraction qu’elle exerce. Les conditions sont différentes dans les principautés. Le Danube n’est pas la seule barrière qui s’élève entre la Moldo-Valachie et la Bulgarie. Les Bulgares et les Moldo-Valaques professent, il est vrai, la même religion ; mais ils ne sont point de la même race, et on sait quelle est la puissance de ces distinctions de race en Orient. Il en résulte que, même par la fusion de la Moldo-Valachie, il ne peut y avoir cette attraction perpétuelle exercée sur les provinces de la Turquie. Il n’en est pas de même pour l’Autriche, et c’est ce qui explique son opposition. Ses craintes sont plus fondées que celles du divan. L’Autriche a beaucoup de Roumains en Transylvanie, et c’est pour elle que la constitution de la nationalité moldo-valaque serait un danger permanent, en créant un foyer indépendant et libre qui attirerait sans cesse une partie de ses sujets, qui pourrait devenir en Orient ce que le Piémont est en Italie. C’est donc un intérêt purement autrichien que défend le cabinet de Vienne. La Turquie, de son côté, se place au point de vue d’une tradition qui a perdu sa force ou d’un intérêt mal entendu ; mais ce ne peut être là l’intérêt européen, et la France ne doit avoir pour unique objet que cet intérêt de l’Europe. Elle s’est montrée dès l’origine favorable à la réunion des principautés, parce qu’elle y voyait une barrière garantissant la sécurité de l’Occident. Il n’est guère probable que le gouvernement français ait abandonné cette pensée, naturellement subordonnée à la décision qui sera prise en commun. On voit qu’entre la France et l’Autriche il n’a pu y avoir un accord aussi complet qu’on l’a dit, et que sur cette question du moins la politique des deux cabinets reste parfaitement distincte et indépendante.

L’Italie est un autre théâtre où la France et l’Autriche se rencontrent aujourd’hui. Les deux pays suivent-ils entièrement la même politique ? Ils ont du moins une pensée commune et un intérêt commun, la pensée de pré erver le saint-siège au milieu des conflits contemporains, et cet intérêt qui consiste à neutraliser, à combattre l’esprit révolutionnaire partout où il apparaît. Une des conséquences du traité du 15 avril a été évidemment de créer entre la France, l’Autriche et l’Angleterre une certaine action collective dans les affaires d’Italie. Non pas que l’Angleterre et la France eussent rien à garantir à l’Autriche quant à l’avenir de ses possessions italiennes ; mais les trois puissances pouvaient se rencontrer dès que le gouvernement de l’empereur François-Joseph reconnaissait lui-même la nécessité de conseiller une politique d’améliorations et de réformes à quelques-uns des états de la péninsule. C’est là, comme on sait, ce qui a eu lieu. La France et l’Autriche ont réuni leurs efforts à Rome pour suggérer au gouvernement pontifical quelques mesures propres à raffermir son autorité temporelle, en préparant le moment où pourra cesser l’occupation étrangère. D’un autre côté, la France et l’Angleterre agissaient également d’intelligence dans les Deux-Siciles, et transmettaient au gouvernement napolitain des conseils identiques de modération. Quel sera l’effet de cette double négociation ? Il serait difficile de le dire encore ; rien n’apparaît bien distinctement, si ce n’est peut-être que depuis quelques jours on parle moins des États-Romains et on s’occupe davantage du royaume de Naples, dont la situation en effet