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artiste heureusement doué, qui fait rire les princes et les potentats, et parcourt le monde.

Un cor
Suspendu sur son cœur.

Un artiste aussi simple de manières qu’admirable par un talent qui ne doit rien à la fantasmagorie s’est produit cet hiver à Paris, où il a excité le plus vif enthousiasme. Nous voulons parler de M. Bottesini, le contre-bassiste italien, qui, pour n’avoir pas la réputation d’un personnage mystérieux des contes d’Hoffmann, n’en a pas été moins bien accueilli par les amateurs ! Chef d’orchestre du Théâtre-Italien, où il a fait représenter un opéra en trois actes, l’Assedio di Firenze, dont nous avons rendu compte, M. Bottesini à déposé un beau soir le bâton du commandement, et on l’a vu apparaître sur la scène une contre-basse à la main. La surprise du public a été aussi grande que son admiration. — Comment, se disait-on dans la salle, un homme de ce talent arrive-t-il à Paris sans tambour ni trompette, et sans être précédé de la moindre biographie qui nous raconte ses faits et gestes, depuis sa naissance jusqu’à ce jour ? — M. Bottesini est tout simplement un homme d’une trentaine d’années, d’une taille élancée, aux traits délicats et doux, qui joue de la contre-basse comme Paganini jouait du violon. Aucune difficulté ne l’arrête, il chante, il rit, il pleure sur tous les tons, et communiqué aux autres les émotions qu’il éprouve, sans se donner les airs d’un héros de roman. Sa contre-basse n’a que trois cordes qui valent mieux que les sept cordes de la lyre du factieux Terpandre. Dans l’exécution prodigieuse que M. Bottesini, on remarque surtout la justesse et la pureté des sons harmoniques, dont il tire un très grand parti et dont il abuse parfois. Forcée par l’opinion publique, la Société des Concerts, qui ne brille pas par la vertu de l’hospitalité, a dû inviter M. Bottesini à jouer à l’une de ses matinées. C’est au septième concert que M. Bottesini a fait son apparition dans la salle du Conservatoire, où il a été proclamé, par un public d’élite, le plus grand virtuose sur la contre-basse qu’on eût entendu à Paris. Tout récemment encore, M. Bottesini a donné au Théâtre-Italien un brillant concert qui avait attiré beaucoup de monde. Son succès n’y a pas été moins grand qu’au Conservatoire. Parmi les artistes dont M. Bottesini s’était entouré, nous avons retrouvé ce soir-là Mme Frezzolini, qui a chanté avec un goût exquis le duo de Don Juan : La ci darem la mano, avec un M. Winter qui possède une fort jolie voix de baryton. Nous pourrions bien, à la rigueur, reprocher à M. Bottesini de transformer l’instrument sur lequel il a acquis une si grande habileté en un instrument sui generis, qui n’est plus la contre-basse et qui n’est pas encore le violoncelle. On nous assure que le fameux Dragonetti, contre-bassiste célèbre, qui est mort à Londres, s’il ne possédait pas la bravoure merveilleuse de M. Bottesini, avait une meilleure qualité de son, plus ample et plus digne d’un instrument qui supporte, comme Atlas, le monde harmonique.

Contrairement à nos prévisions et à nos souhaits, aucun des trois candidats