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qu’il tend toujours à ralentir. Quant au chant, les chœurs, aussi bien que les soli qui les accompagnent, sont le côté faible de la Société des Concerts comme de toutes les réunions musicales. Excepté un ou deux chœurs, que les artistes sont parvenus à dire avec assez d’ensemble, parce qu’ils les chantent depuis vingt-neuf ans, tout le reste est d’une médiocrité désespérante. En approuvant hautement la société d’avoir eu le courage de repousser constamment de ses programmes les pauvretés des hommes du jour, particulièrement les gouaches confuses que M. Berlioz appelle des symphonies, nous voudrions qu’elle fût plus hardie dans l’exploration des œuvres des vrais maîtres. Pourquoi ne touche-t-elle pas à Palestrina, à Léo, à Jomelli, et surtout au grand Sébastien Bach, dont l’œuvre immense et complexe sort pour la première fois des catacombes ? Faudra-t-il toujours regret ter qu’une association d’artistes si remarquables ne puisse joindre, au fini de l’exécution, une plus grande variété d’objets ?

Après la Société des Concerts et dans la même catégorie se place l’escouade des Jeunes Artistes, conduits par M. Pasdeloup. Au troisième concert qu’ils ont donné le 20 janvier dans la salle de M. Herz, nous avons entendu une symphonie de M. Gouvy qui nous a paru une œuvre estimable, surtout le scherzo, qui a été redemandé, et dont la facture ingénieuse est plus remarquable que l’idée. M. Gouvy est un musicien de mérite qui cultive avec distinction un art difficile dont il connaît les secrets. Au sixième concert, on a exécuté encore une agréable symphonie de M. Lefébure-Wély, dont le menuet, à la manière de Mozart, est la partie saillante. Une mélodie évangélique, Jésus de Nazareth, de la composition de M. Gounod, a été fort bien chantée par M. Battaille et a produit un grand effet. Enfin, dans un concert supplémentaire donné le 16 mars, nous avons entendu une nouvelle symphonie de M. Gounod, dont l’andante surtout est un morceau remarquable, développé avec beaucoup d’habileté. En somme, la société des Jeunes Artistes remplit avec intrépidité sa mission d’avant-garde. Si parfois la fougue l’entraîne au-delà du but, l’âge et l’expérience lui apporteront assez tôt le calme qui lui manque. Que M. Pasdeloup ne se décourage pas, et qu’il s’en aille toujours en guerre avec le peloton qu’il fait si bien manœuvrer.

La société fondée par MM. Maurin et Chevillard, pour l’exécution et la divulgation des derniers quatuors de Beethoven, est parvenue, saine et sauve, à la cinquième année de son existence. L’Allemagne, qui, en fait de musique instrumentale, est très jalouse de sa suprématie, que personne ne lui conteste, a dû rendre justice à la merveilleuse exécution des artistes français, qui ont été accueillis à Francfort et à Hanovre avec un véritable enthousiasme. À la première séance qu’ils ont donnée le 11 janvier dans la salle Pleyel, ils ont exécuté le quatuor en ut dièze mineur, qui est le quatorzième, et qui renferme autant de beautés que de bizarreries. La sonate pour piano (opéra 111), qui est la dernière qu’ait composée Beethoven, a été exécutée ensuite par M. Ritter avec plus de vigueur et de précision que de charme. On a clos la séance par le quatuor en mi mineur, dont le finale est admirable. La seconde séance a commencé par le fameux quatuor en la mineur, c’est-à-dire le quinzième, qui a été terminé en 1826, un an avant la mort de Beethoven. C’est en tête de l’adagio de ce quatuor que Beethoven a mis l’inscription