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Rameau a été fort mal dit par Mlle Ribault, une élève couronnée du Conservatoire. La séance s’est terminée par un hymne des mages, chœur tiré d’Alexandre à Babylone, grand opéra inédit de Lesueur, d’un caractère pompeux et monotone. Le second concert, qui a eu lieu le 29 janvier, a commencé par une ouverture de Beethoven (opéra 115), à laquelle a succédé le finale du premier acte d’Oberon, de Weber, dont les soli ont été aussi mal chantés que possible par MIIe Boulart et Mlle Ribault, deux illustrations de ce même Conservatoire. Décidément M. Girard, le chef d’orchestre, a un penchant prononcé pour les chanteurs médiocres, dont il aime à s’entourer. Aussi l’admirable musique du plus poétique des compositeurs allemands a-t-elle été aussi mal rendue que peu comprise par le public trop patient. L’air de danse de l’Iphigénie de Gluck, qu’on a entendu le même jour, ne vaut-il pas à lui seul tous les ballets qui ont été improvisés depuis cinquante ans ? Nous en dirions presque autant du morceau de Lully, qui est venu après, l’air de Caron, de son opéra d’Alceste. C’est une inspiration de génie. L’opposition qui résulte de la prière des âmes des trépassés et du refus de l’implacable nautonnier est d’un bel effet dramatique. Après la délicieuse symphonie en de Mozart, la séance s’est terminée par des fragmens du dernier finale de Fidelio de Beethoven, conception laborieuse d’un génie qui n’a rien compris à la voix humaine. Au troisième concert, on a exécuté la symphonie avec chœurs de Beethoven, dont le public commence à mieux saisir l’ordonnance et l’ampleur. Le premier morceau est toujours d’un accès difficile et d’un débrouillement pénible, quoiqu’il renferme des beautés du premier ordre. Le scherzo-vivace est un chef-d’œuvre de grâce et de fantaisie, tandis que l’andante, qui forme la troisième partie, est l’un des morceaux symphoniques les plus vastes et les plus grandioses qui existent. Le souffle en est si grand et l’idée si développée, qu’ils dépassent l’attention que peuvent accorder des auditeurs ordinaires. Quant au finale, où les voix humaines viennent se joindre à la symphonie, c’est un pandemonium et comme la concentration de tous les styles et de tous les accens. L’air d’Anacréon de Grétry, « de ma barque légère, » fort bien chanté par M. Bonnehée, et le chœur des génies d’Oberon de Weber, qui a été redemandé, ont complété cette belle solennité. Le quatrième concert a été signalé par l’exécution de la musique d’Egmont de Beethoven, et un psaume de Mendelssohn, chœur plein de franchise, mais sans caractère saillant. Au sixième concert, nous n’avons remarqué que le finale d’un opéra de Mendelssohn, Loretey, traduit en français par M. Edouard Saint-Chaffray, qui renferme des choses plus curieuses que belles. Le septième concert nous a offert l’occasion d’entendre la romance des Nozze di Figaro, chantée en français par Mlle Boulart, qui, apparemment, ne sait pas l’italien. La séance s’est terminée par le Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn, où l’on retrouve l’influence latente du génie de Weber et de son Oberon.

Si la Société des Concerts était moins routinière et pouvait se décider à élargir le cercle de son répertoire, qui commence à être plus que suffisamment connu, il n’y aurait que des éloges à lui adresser. La partie instrumentale est toujours d’une rare perfection, bien qu’on puisse reprocher au chef d’orchestre, M. Girard, une intelligence timorée dans l’indication des mouvemens,