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REVUE MUSICALE




LES SOCIETES ET LES MUSICIENS DE CONCERT.





Il est toujours temps de parler des nombreux concerts qui ont été donnés à Paris pendant le long hiver qui s’est prolongé jusqu’à la fin du mois de mai 1856. On pourrait même soutenir qu’un peu d’éloignement est nécessaire pour apprécier sans confusion et sans fatigue cette foule toujours croissante de compositeurs et d’exécutans qui se précipitent dans la carrière comme des chevaux de course affamés de bruit, de renommée et de poussière. Tous les ans, c’est la même affluence d’artistes plus ou moins connus qui viennent rajeunir leur célébrité viagère à la grande source de la presse parisienne. Pourvu qu’ils brillent un jour et que leur nom soit consigné dans un coin obscur de la publication la plus éphémère, ils sont contens, et s’en vont colporter dans le monde l’honneur d’avoir ennuyé toute une soirée le public le plus indulgent et le plus difficile de l’Europe. C’est qu’il en est de la gloire comme du bonheur, dont Mme de Girardin a dit, avec la grâce et la finesse d’observation qui caractérisaient son bel esprit : « Un regard, un mot, un sourire pour ceux qui aiment un chapeau bien fait pour celle-ci, un bouquet de violettes pour celle-là ; un bon dîner pour les uns, une bonne rime pour les autres ; une promenade en bateau, des fraises nouvelles, un livre amusant, une jolie romance, du feu en hiver, de la glace en été ; du vin passable pour le pauvre, un cheval anglais pour le riche, tels sont les ingrédiens dont se compose le bonheur. Depuis des siècles, on se figure que le bonheur est une grosse pierre précieuse qu’il est impossible de trouver, que l’on cherche, mais sans espérance. Point du tout, le bonheur, c’est une