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fréquens qu’il éprouva dans ses expéditions prouvent combien sa tâche avait été difficile, et sa promptitude à réparer ses pertes et à trouver des ressources nouvelles dans ses désastres montre l’énergie de son caractère et la puissance de son génie. Assurément Pierre le Grand eut plus de mérite a gagner la bataille de Poltava avec une armée qu’il avait créée lui-même que Charles XII n’en avait eu à battre à Narva les Russes, encore sans discipline et sans organisation, avec les excellentes troupes que son père lui avait léguées.

Je ne suivrai pas M. Grote dans le récit des campagnes d’Alexandre, qu’il a retracées avec son exactitude ordinaire, en comparant, toujours par une sage critique, les témoignages des auteurs anciens et les observations des voyageurs modernes. Il me bornerai à citer, d’après lui, deux exemples de ces faveurs inespérées que la fortune prodiguait à Alexandre ; M. Grote les a, ce me semble, exposées beaucoup plus clairement qu’aucun des historiens qui l’ont précédé.

Aussitôt après la mort de Philippe, Alexandre se hâta d’occuper son armée. Il la mena contre les Illyriens, qui les premiers avaient paru disposés à profiter du changement de règne pour regagner le territoire qui leur avait été enlevé. Pendant cette expédition, qui dura plusieurs mois et qui éloignait Alexandre de ses états, la Grèce était en fermentation et prête à prendre les armes. À la première nouvelle de l’assassinat de Philippe, les Athéniens avaient abattu sa statue et s’étaient livrés à une joie peu décente. D’ailleurs, selon leur habitude, les cites hellénique ; loin de se confédérer contre l’ennemi commun, songeaient chacune à tirer de la révolution attendue son profit particulier. Thèbes, plus hardie que les autres, se souleva et assiégea la garnison macédonienne laissée dans la Cadmée. Lorsque ces mouvemens étirent lieu, toute la Grèce croyait Alexandre en Illyrie. On était depuis longtemps sans nouvelles de son armée, et on le supposait battu et peut-être tué. Loin de là, ce fut le lendemain d’une bataille décisive contre les Illyriens et les Thraces, lorsqu’il se préparait à retourner à Pella, qu’il reçut la nouvelle du soulèvement de Thèbes. Si le soulèvement avait eu lieu quinze jours puis tôt, la Cadmée pouvait être prise et la position des Macédoniens en face des barbares, avec une insurrection derrière eux, était des plus critiques. Ce délai de quinze jours fût fatal aux Thébains. Si Alexandre fut bien traité de la fortune, il se montra par sa décision digne de ses faveurs. Au lieu de se diriger sur Pella, où on l’attendait, il précipita sa marche en descendant le cours de l’Haliacmon, traversa le Pinde et l’Olympe et parut tout à coup à l’entrée des Thermopyles, lorsque toute la Grèce le croyait ou mort ou aux prises avec les Illyriens. On sait le reste et la façon dont il traita les thébains.

Un bonheur égal l’attendait en Asie ; Après la bataille du Granique,