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avait épousé Olympias, sœur d’un roi des Epirotes. C’était une femme d’un caractère emporté et haineux qui se rendit insupportable à son mari. Il la répudia pour épouser Cléopâtre, une de ses sujettes, et elle venait de lui donner un fils. De son premier mariage était né le fameux Alexandre. Il avait vingt ans en 336 et n’était guère connu en Grèce que par la bravoure dont il avait fait preuve à la bataille de Chéronée. (C’était la division qu’il commandait qui avait la première fait plier les Thébains. D’ailleurs ceux qui l’approchaient avaient observé la violence de son caractère, son entêtement, son impatience de toute contradiction. Cependant il rachetait ces défauts par un certain enthousiasme chevaleresque qui lui faisait ambitionner toutes les sortes de gloire, depuis celle de monter un cheval difficile jusqu’à celle de se dompter lui-même. Le fils et le père avaient de violentes querelles. Lors du second mariage de Philippe, Attale ; frère de Cléopâtre, à la fin d’un banquet, prolongé selon l’usage macédonien ; fit une libation, et demanda aux dieux de donner bientôt un fils légitime à Philippe. Il y avait quelques doutes en effet sur l’origine d’Alexandre ; et plus tard ses flatteurs en profitèrent, comme on sait ; pour le faire fils d’un dieu". Alexandre ; un peu ivre comme tous les convives, jeta sa coupe à la tête d’Attale. Philippe, encore plus ivre, saisit son épée, mais, en sautant de son lit pour frapper son fils ; il trébucha et tomba sur le parquet. — « Voyez-vous cet homme qui se prépare à passer d’Europe en Asie, s’écria Alexandre, et qui ne peut pas même passer d’un lit à un autre ! » Ces scènes d’intérieur montrent ce qu’était la cour de Macédoine. À la suite de cette fête, qui avait failli finir tragiquement, Alexandre avait emmené sa mère en Épire, et lui-même s’était exilé chez les Illyriens. Cependant on parvint à réconcilier le père et le fils du moine en apparence ; mais Alexandre continuait ses incartades, Philippe le traitait avec dureté et donnait toute sa confiance à Attale et aux autres parens de Cléopâtre. Nul doute que si une mort prématurée venait surprendre Philippe, la Macédoine ne se partageât entre ses deux enfans. L’aîné semblait devoir être sacrifié au fils de Cléopâtre, et Attale, qui commandait déjà l’élite des troupes, serait désigné, selon l’opinion générale, pour prendre les rênes du gouvernement pendant la minorité de son neveu. Il était probable qu’Alexandre chercherait à faire prévaloir ses droits d’aînesse, et le trône resterait à celui que l’armée adopterait.

Philippe cependant, plein de confiance dans sa fortune, était loin de songer à régler sa succession et ne pensait qu’adresser ses préparatifs pour passer en Asie. Toutefois, avec sa prudence ordinaire, il s’appliquait à ne laisser derrière lui aucune cause de désordre, et comme il redoutait l’influence qu’Olympias pouvait exercer, pendant son absence, sur son frère, le roi des Epirotes, il voulut gagner ce