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n’ont été considérées que comme des accidens dont la liaison avait échappé, et nous pouvons sans témérité penser que bien d’autres actions générales qui affectent les habitans du globe sont demeurées inconnues, parce que les hommes n’avaient aucun moyen de se prévenir à de grandes distances des effets qu’ils éprouvent à une époque déterminée. Les météorologistes auraient donc à peu près sans utilité multiplié les lieux d’études, s’ils n’avaient réussi à les lier entre eux par un système de communications toujours prêt et instantané : c’est le télégraphe.

Supposons par exemple qu’un ouragan se montre, à Saint-Pétersbourg ; on petit à l’instant même en demander des nouvelles à tous les observatoires de Russie, et quelques heures après on saura qu’il souffle sur tout l’empire, — car ces phénomènes ne sont point locaux, — qu’il occupe une longue ligne du nord au sud. Le lendemain, on saura qu’il marche vers l’occident, qu’il se dirige vers l’Allemagne, et l’on en préviendra les astronomes de Berlin et de Vienne : ceux-ci attendront et se prépareront à observer ; bientôt le phénomène les enveloppera à leur tour, et ils en donneront avis en France et en Angleterre. Chacun, rendant ainsi le service d’annoncer une grande perturbation, permettra à ceux qu’elle menace de s’en pré occuper à l’avance et de s’en garantir ; les agriculteurs hâteront leurs rentrées, les ports arboreront des pavillons d’alarme, et ces dangers ainsi prévus perdront sans aucun doute un peu de la gravité qu’ils ont lorsqu’ils arrivent à l’improviste. On peut se rappeler qu’il a fallu quatre jours à l’onde de Balaclava pour aller de Londres en Crimée ; une nouvelle électrique aurait donc permis aux vaisseaux alliés de prendre longtemps à l’avance des mesures de sûreté qui eussent annulé reflet de la tempête. Non-seulement, on. le voit, le télégraphe électrique peut rendre à la météorologie cet important service de transmettre à un centre commun l’avis et le détail d’une action atmosphérique étendue, mais, grâce à son concours, la météorologie va devenir une étude dont l’utilité sera journalière et générale. On pourra prédire à tout un pays une commotion qui le menace, non pas comme on prédit une éclipse pour en avoir calculé l’heure, mais comme on annonce à une station de chemin de fer l’arrivée d’un train qui est en marche. Cet important et nouvel emploi du télégraphe vient de se réaliser en France : un accord s’est établi entre la direction des télégraphes et celle de l’Observatoire. Espérons que cet accord marquera le point de départ d’une ère nouvelle pour la météorologie.


J. JAMIN.