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« Je vais consulter sur l’affaire de la traite des nègres. Je crains aujourd’hui de faire traité sur traité avec des gens qui ont été bien mal pour nous. » M. Thiers avait raison : ce n’était pas au moment où le cabinet anglais venait de se séparer de nous avec un si mauvais procédé qu’il convenait de lui donner une nouvelle marque de confiance et d’intimité.

Un an après, à la fin de 1841, le cabinet whig était tombé. Le traité du 15 juillet 1840 ne subsistait plus ; les affaires de l’Égypte et de Méhémet-Ali étaient terminées ; la convention du 13 juillet 1841, en réglant, quant au passage des détroits, les relations des cinq grandes puissances avec la Porte, avait fait rentrer la France dans le concert européen. Sir Robert Peel et lord Aberdeen avaient remplacé lord Melbourne et lord Palmerston, et nous témoignaient les dispositions les plus amicales. Ils me demandèrent de signer le nouveau traité, depuis longtemps préparé, pour la répression plus efficace de la traite. Je n’hésitai point. Aucun motif de convenance et de dignité ne nous commandait plus d’en retarder la conclusion. Nous aussi, nous voulions la répression de la traite. Nous avions, depuis dix ans, accepté, pour y parvenir, l’exercice réciproque du droit de visite. Ni les plaintes auxquelles il avait donné lieu, ni les modifications qu’y apportait la nouvelle convention, ne me parurent assez graves pour nous faire délaisser l’œuvre morale qui nous l’avait fait accepter et l’intimité politique qui s’y rattachait. Le 20 décembre 1841, M. de Sainte-Aulaire, depuis quelques mois seulement ambassadeur du roi à Londres, signa le nouveau traité.

On sait quels orages attira sur moi cet acte. Je n’ai nul droit de m’en plaindre. La lutte où je me vis engagé, à cette occasion, dans les chambres aboutit à deux résultats qui semblaient difficiles à concilier. Je réussis dans mes efforts, car les cabinets de Paris et de Londres demeurèrent intimement unis malgré les efforts de l’opposition pour les diviser, et le but que l’opposition avait poursuivi contre moi devint un succès pour moi ; d’accord entre les deux cabinets, le droit de visite fut aboli.

Je ne veux pas donner le change sur ma pensée : à considérer les choses en elles-mêmes et abstraction faite des exigences d’une situation créée par les passions des hommes, je n’ai pas pris alors et je ne prends pas davantage aujourd’hui l’abolition du droit de visite pour un succès. Généralement et sincèrement pratiqué, c’était, je crois, le moyen le plus efficace de réprimer la traite, et la répression de la traite valait bien les inconvéniens et les ennuis, d’ailleurs exagérés, du moyen ; mais le prince de Metternich disait avec raison : « Le vice de ce mode d’action, c’est qu’il n’est praticable qu’entre, je ne dis pas seulement des gouvernemens, mais des pays vivant