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de la science météorologique, et j’ajoute que, non par la faute des hommes, mais par le manque d’un but spécial et par la nature de leur organisation, ils ne pouvaient rien produire, sinon des masses de faits disjoints, matériellement accumulés, sans aucune destination d’utilité prévue, soit pour la théorie, soit pour les applications. »

Nous ne voulons point ici faire l’histoire de la discussion soulevée par les paroles de M. Biot. Il nous suffit d’avoir montré que deux opinions entièrement opposées se trouvaient en présence, et que, par les attaques dont elle avait été l’objet, la météorologie se trouvait gravement compromise. Une nous appartient point de discuter ou les argumens favorables des uns, ou les objections impitoyables des autres ; mais s’il est difficile de se prononcer entre des argumens contradictoires, il ne l’est jamais de se rendre à l’évidence des faits. Les opposans auront raison tant qu’une découverte saillante ne les viendra pas condamner, et les météorographes triompheront le jour où ils apporteront, comme résultat de leur persévérance et de leurs travaux collectifs un grand fait météorologique.

Cette bonne fortune leur était réservée. Au moment même où un débat solennel venait de mettre en question à la fois l’autorité et l’utilité de la science, l’observatoire de Paris terminait un ensemble de recherches météorologiques dont il était impossible de contester l’importance. Chacun se souvient que le 14 novembre 1854 une tempête épouvantable enveloppa les flottes anglaise et française stationnées dans la Mer-Noire. Le Henri IV fut jeté à la côte, un nombre considérable de bâtimens de transport firent naufrage, et presque tous les navires des deux marines reçurent des avaries que les circonstances et les lieux rendaient désastreuses. La tourmente s’étendit sur toute la Crimée, sur toute la surface de la Mer-Noire jusqu’à Constantinople, et presque en même temps on signalait en France et dans la Méditerranée des coups de vent non moins violens. Il était dès-lors évident que le phénomène n’avait pas été local, qu’il était dû à une perturbation atmosphérique embrassant à la fois ou successivement une grande étendue de pays, peut-être l’Europe entière, et il était désirable, au point de vue de la sécurité des flottes, de rechercher comment une commotion pareille avait pu naître, se développer et se propager. Le directeur de l’observatoire de Paris fut donc chargé par le ministre de la guerre de faire une enquête météorologique sur la question. M. Leverrier écrivit aussitôt une circulaire à tous les météorographes du monde et leur demanda communication des notes qu’ils avaient prises pendant les quelques jours qui précédaient le 14 novembre. Plus de deux cent cinquante réponses, contenant les indications données par les instrumens météorologiques aux jours indiqués, furent reçues Il l’Observatoire.