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hors de l’Autriche. Même dans cette limite restreinte, on lui conteste le rôle de dispensateur du crédit au véritable commerce et à l’industrie proprement dite, et on le représente, ainsi que d’autres sociétés analogues, comme destiné à satisfaire surtout aux besoins de la spéculation. Quoi qu’il en soit, ou peut-être même en raison de ce dernier motif, l’empressement du public à répondre à l’appel des fondateurs du crédit mobilier a été au niveau de tout ce que nous avons vu en France dans des circonstances analogues. 15 millions de florins avaient été demandés à la souscription publique : la répartition définitive a donné 2 pour 100 sur le chiffre des souscriptions reçues. Pendant la nuit qui a précédé le jour d’ouverture de la souscription, on a vu les rues voisines du lieu de versement envahies par une foule compacte supportant bravement les rigueurs d’un froid de 20 degrés. Cet empressement au reste est déjà récompensé par l’élévation de 100 pour 100 obtenue dans le prix des actions du crédit mobilier viennois. À peine fondé, il a pris une part si considérable dans des entreprisée nouvelles que la réalisation des primes acquises à ces entreprises, même avant l’émission des actions, permet aux actionnaires du crédit mobilier de compter sur un dividende très élevé.

À côté de ces grands intérêts du commerce et de l’industrie, il y en a néanmoins un autre dont l’importance est supérieure, et qu’il fallait sauvegarder. L’abolition des corvées dans tout l’empire, la modification apportée aux lois de propriété en Hongrie ont produit depuis 1848 des conséquences diverses et fort importantes. Il en est résulté tout d’abord pour la propriété un notable embarras : les bras ont manqué, les salaires se sont élevés, et si l’abolition du servage a permis aux propriétaires de trouver plus de fermiers qu’auparavant et même à un prix supérieur, il n’en est pas moins certain que l’exploitation de domaines ruraux dont l’étendue est hors de proportion avec la population agricole se trouvait, sinon compromise, au moins difficile. Il fallait surtout et d’abord se procurer le capital d’exploitation suffisant ; dans les circonstances générales où se trouvait l’Autriche, c’était chose malaisée. Le gouvernement se fit alors l’intermédiaire entre les paysans et les propriétaires ; il reçut des premiers, sous forme de rentes ou en une somme une fois payée, le prix des corvées qu’il rendit aux propriétaires en obligations appelées Grund-entlastungs[1]. Ces obligations, qui doivent être remboursées en quarante ans au moyen d’un tirage annuel et qui peuvent être déposées à la banque, ont fait l’office de véritables effets de commerce négociés par les propriétaires, et leur ont fourni le capital nécessaire à l’exploitation.

Cet expédient toutefois n’était que provisoire ; il fallait adopter de

  1. C’est-à-dire obligations pour l’affranchissement du sol.