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en Hongrie, avaient été achetées, dit-on, sur le pied de 10 pour 100 de revenu. Cette dépréciation s’explique par la constitution féodale de la propriété, dont je viens de citer une des principales dispositions, et qui resta en vigueur jusqu’en 1848. Croit-on que la privation des corvées, payée d’ailleurs par une indemnité assez considérable, ait été une perte notable pour les possesseurs de domaines dont la valeur s’est d’autant plus accrue que le droit de les transmettre est devenu plus libre.

Comme toute bonne conduite en outre porte avec, elle sa récompense, cette adhésion générale de la noblesse autrichienne à la réforme, civile de l’empire, loin de diminuer son influence traditionnelle, l’a renouvelée pour ainsi dire et en définitive accrue. On peut le reconnaître surtout à l’occasion du mouvement industriel qui agite la passer Allemagne aussi bien que le reste de l’Europe : ce sont les seigneurs de la Bohême, de la Galicie, de la Hongrie, qui se sont mis résolument à la tête des entreprises de grands travaux publics destinés à modifier si profondément l’état de contrées entièrement déshéritées sous ce rapport, et c’est en partie grâce à initiative intelligente. des hommes reconnus, par un usage traditionnel, pour ses chefs légitimes, que l’esprit public s’est tout d’un coup précipité dans cette nouvelle voie des améliorations matérielles.

Ainsi la réforme civile en Autriche a eu le notable avantage de s’opérer sans luttes, sans déchiremens. Le succès a été immédiat et complet et, il faut bien le reconnaître, la facilité en est due sur tout à ce que l’élément politique proprement dit s’est trouvé entièrement écarté de la question. Je n’ai pas besoin de faire observer à l’avance qu’en traçant ce tableau intérieur de l’Autriche, j’en retranche toujours ce qui concerne ses possessions italiennes, L’Italie, on ne saurait le redire assez, est la plaie de l’Autriche, et pour quiconque a traversé seulement la capitale de la Lombardie, pour qui a vu le soldat autrichien passer calme, triste et solitaire au milieu de ces Italiens dont le silence et la réserve dissimulent mal la passion, il est évident que ces deux races juxtaposées sur le même sol ne se mêleront jamais et ne se supporteront qu’au prix des plus grands efforts. Je n’entends, pas non plus justicier la politique intérieure du gouvernement autrichien dans tous ses rapports avec les paisibles populations qui lui sont soumises ; peut-être même, en raison de cette situation si tranquille, vaudrait-il mieux, avant que les réclamations ne se produisent, satisfaire, en les dirigeant, les besoins de liberté politique, conséquences inévitables de la civilisation moderne. Ce que je constate seulement, ce qu’on exprimait ici même, et tout récemment, avec plus d’autorité, c’est l’absence en Autriche de tout dissentiment, je serais presque tenté de dire de toute vie politique. Aux yeux les moins prévenus, la satisfaction des différentes classes