Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’élection des anciens rois d’Irlande, et qui avait été naguère, dans la grande insurrection irlandaise, en 1798, le théâtre d’une défaite des insurgés. O’Connell se montra là plus hardi et plus confiant qu’il n’avait jamais paru. « N’en doutez pas, dit-il, l’accablante majesté de votre nombre passera en Angleterre et aura là son effet. Le duc de Wellington a commencé par nous menacer. Il parlait de guerre civile ; il n’en dit plus un mot à présent. Il fait faire des meurtrières dans les vieilles fortifications. C’est bien là le fait d’un vieux général ; comme si nous voulions aller nous casser la tête contre des murailles ! J’apprends avec plaisir qu’on a dernièrement importé chez nous une grande quantité d’eau-de-vie et de biscuit. J’espère que les pauvres soldats en auront quelque chose. Le duc de Wellington parle de nous attaquer ; j’en suis charmé. Je ne dirai pas le moindre mot blessant pour les braves soldats qui composent l’armée de la reine, et qui se conduisent si bien. Pas un de vous n’a une seule plainte à former contre aucun de ceux qui résident dans notre pays. Ils sont la plus vaillante armée du monde ; mais j’affirme ceci : s’ils nous faisaient la guerre, l’Irlande, animée comme elle l’est aujourd’hui, fournirait assez de femmes pour battre toutes les troupes de la reine… Voyez comme tout le peuple d’Irlande se lève pour le rappel de l’union ! Lorsque le 2 janvier dernier je me suis hasardé à dire que ceci serait l’année du rappel, ils ont tous ri de moi. Rient-ils maintenant ? C’est notre tour de rire. Je vous dis que dans un an le parlement sera à Dublin, dans College-Green… Oui, le parlement d’Irlande s’assemblera alors, et je défie tous les généraux vieux et jeunes, et toutes les vieilles femmes en pantalons, je défie toute la chevalerie de la terre de nous enlever notre parlement, quand nous l’aurons repris. »

Peu après ce meeting, et en réponse au discours par lequel la reine avait clos la session du parlement, O’Connell déclara à son tour par un manifeste que l’Irlande n’avait plus rien à espérer du gouvernement anglais pour le redressement de ses griefs, que les moyens légaux et constitutionnels étaient épuisés, et un nouveau meeting, qui surpasserait, dit-on, en nombre et en ardeur, tout ce qu’on avait encore vu, fut convoqué pour le 8 octobre suivant, à Clontarf, près de Dublin, où les Irlandais avaient jadis remporté une victoire sur les envahisseurs danois. Tout le programme de cette journée, la marche, l’arrivée, l’emplacement, la tenue des populations furent solennellement réglés d’avance, avec un air de précision militaire, comme s’il se fût agi, non d’un rassemblement populaire à haranguer, mais d’une armée à passer en revue la veille du combat.

À Dublin et à Londres, le gouvernement jugea que le jour était venu où sa patience devait être à bout. À Dublin, le vice-roi, lord