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— Mon enfant ! … Ne te joue pas de moi, s’écria la jeune femme éperdue, cela me ferait trop de mal.

— Allons, Anifé, tu vois bien que je parle sérieusement. Je te dis que j’ai trouvé ton enfant, un joli petit garçon, blanc comme un agneau. Saute et danse avec moi, car c’est bien vrai.

Au lieu de sauter et de danser, Anifé s’assit et invita Osman à s’asseoir auprès d’elle. Le jeune homme comprit que ses premières paroles ne suffisaient pas à la curiosité d’une mère, et qu’elles faisaient attendre un récit complet. Il commença donc par raconter ses excursions, dont la chasse n’était que le prétexte, et dont le but réel était de découvrir l’enfant d’Anifé. Osman avait parcouru successivement les divers groupes de montagnes qui entourent Saframbolo. Après plusieurs semaines de recherches inutiles, il s’était enfin arrêté dans un petit hameau et avait demandé l’hospitalité à une vieille femme qui, trop pauvre pour le recevoir, lui avait indiqué une maison habitée par une famille que l’envoi d’un nourrisson de la ville venait d’enrichir. Osman s’était dirigé vers la maison désignée par la vieille : une jeune femme tenant un petit enfant dans ses bras était venue lui ouvrir. Osman l’avait questionnée, et la nourrice lui avait répondu que l’enfant était chez elle depuis un mois ; il lui avait été apporté par la servante d’une vieille Grecque exerçant la profession de sage-femme à Saframbolo. En s’approchant alors du petit pour le caresser, Osman avait reconnu à son cou un mouchoir de mousseline verte qu’Anifé portait sur sa tête le jour de l’accouchement. L’entretien avait été interrompu par l’arrivée d’une visiteuse qui n’était autre que la servante de la Grecque apportant à la nourrice sa rétribution mensuelle. Osman, caché dans une pièce voisine, avait entendu les instructions données par la servante à son hôtesse. — L’enfant appartient à une famille puissante, lui avait-elle dit. On avait d’abord essayé de le faire passer pour mort ; mais la mère n’ayant pas été dupe de cette feinte, on a mis toute la province sens dessus dessous pour le retrouver. Or il ne faut pas qu’on le retrouve. Si vous le gardez bien, votre récompense sera doublée, triplée même ; si par malheur il est découvert, vous serez impliquée dans un procès criminel, et votre mari sera traîné en prison. — La nourrice, effrayée, avait offert de renoncer aux vingt piastres et de rendre l’enfant. La servante avait refusé. — Il faut que l’enfant reste ici ; mais s’il vous gêne trop, et si vous trouvez le moyen de vous en débarrasser sans nous compromettre, cela vous regarde. — Cela dit, la servante s’était éloignée rapidement. Ses dernières paroles cependant, loin de tirer la nourrice d’inquiétude, n’avaient excité chez elle qu’un mouvement d’indignation qui rassura complètement le neveu du kadi sur l’honnêteté de la pauvre femme. Celle-ci ayant avoué à Osman qu’elle