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à amortir la dette publique, tels qu’on les connaissait déjà. Des ressources spéciales lui étaient affectées ; la principale était la somme versée, à titre de cautionnement, par les receveurs-généraux des finances. On venait de leur demander ce gage en numéraire au lieu des biens-fonds qui étaient admis précédemment. De ce chef, la caisse eut un capital de 10,810,000 fr. Elle devait en servir l’intérêt. Il était entendu qu’elle recevrait un jour tous les cautionnemens, imposés aux comptables du trésor autres que les receveurs-généraux, ainsi qu’aux officiers judiciaires ; mais provisoirement ils lui étaient enlevés pour être employés au service courant. De plus, elle fut instituée légataire de toutes les rentes viagères et de toutes les pensions servies par le trésor, à mesure que les titulaires viendraient à décéder. Trois administrateurs y étaient préposés. M. Gaudin, qui faisait le plus grand cas de son ancien collègue Mollien, lui proposa ces fonctions. M. Mollien accepta, et il se vit aussitôt nommé avec deux personnages obscurs.

Ce fut ainsi que M. Mollien rentra dans l’administration des finances, où il devait avoir, après quelques années, le rôle le plus important. Peu de temps même devait se passer sans qu’il eût avec le premier consul des relations particulières dont les affaires publiques devaient se ressentir heureusement. Il était destiné à rester jusqu’à la fin un des serviteurs les plus utiles et les plus sincèrement dévoués de l’homme extraordinaire auquel la France remet tait alors le soin de ses destinées. Ce n’est pas qu’il y eût entre Napoléon et le futur ministre du trésor une complète communauté d’idées sur les matières mêmes que M. Mollien était ou devait être appelé à administrer. Tous deux pensaient qu’il faut dans les finances beaucoup d’ordre et une économie sévère, et ils étaient déterminés à faire les plus grands efforts pour cet objet, chacun dans sa sphère ; mais d’accord sur le but, ils ne l’étaient pas sur les points de doctrine, et par conséquent il devait y avoir entre eux des dissentimens en plus d’une occasion sur certaines mesures. M. Mollien était, et ne s’en cachait pas, un disciple d’Adam Smith. Napoléon n’était pas de cette école, et affectait encore plus de ne pas en être. Parmi les opinions d’Adam Smith, il y en avait contre lesquelles sa nature même protestait. Écossais d’origine et professeur dans une université d’Ecosse, partageant les penchans et les habitudes de cette population, qui est en Europe imbue plus que toute autre de l’esprit de self-government, Adam Smith, lorsqu’il a été conduit à indiquer les limites qu’il convient de tracer à l’action de l’autorité, l’a circonscrite dans un cercle extrêmement étroit ; il laisse par conséquent presque tout à faire à l’initiative des particuliers. L’autorité, telle qu’il la conçoit, serait réduite à un rôle exigu. Avec les traditions de la nation