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moyen d’accomplir au-delà même de ce qu’attendaient ses plus fervens admirateurs.

Le premier consul eut besoin de toute sa fermeté pour résister à l’établissement de tout impôt par-delà ceux qui étaient en activité le 18 brumaire. Le ministre des finances, Gaudin, fit les plus grands efforts pour obtenir qu’on revint à une taxe sur les boissons ; il alla jusqu’à offrir sa démission. Le premier consul fût inébranlable : à ce moment, tout impôt nouveau, et celui des boissons plus qu’un autre, lui semblait impolitique ; mais il se prêta avec empressement à tout ce qu’il fallait pour que les impôts rentrassent intégralement et sans retard. Ce sera dans l’histoire le titre de M. Gaudin d’avoir parfaitement rempli cette tâche. Il organisa une administration des contributions directes qui, dès le début, fonctionna d’une manière très satisfaisante. On était en plein dans l’an VIII. Il restait cependant à dresser trente-cinq mille rôles sur l’an VII, et les rôles de l’an VIII, qui auraient dû être achevés depuis plusieurs mois, n’étaient pas commencés. En moins de six semaines, l’organisation nouvelle exista partout et fonctionna avec efficacité. Peu de temps après, on avait non-seulement les trente-cinq mille rôles arriérés de l’an VII, mais encore tous ceux de l’an VIII, et l’on se mit à ceux de l’an IX, de telle façon qu’ils purent être mis en recouvrement dès le premier jour.

Ces heureux résultats furent obtenus principalement par l’effet d’un changement général introduit alors dans l’administration et dans la politique même. Une des plus fortes méprises des hommes qui avaient voulu réédifier l’état après avoir renversé l’ancien régime avait consisté dans la réaction qui annulait à peu près l’autorité centrale et abandonnait l’administration même des intérêts de l’état à des mandataires élus directement par la masse des citoyens, ou, ce qui était pis encore, à des conseils électifs, sur lesquels le gouvernement était sans action, et où il n’y avait de responsabilité individuelle pour personne. C’est avec cette exagération qu’on procède même chez des peuples éclairés, lorsque l’opinion a été trop longtemps contenue, et qu’on s’est obstiné à répondre par le dédain à ses justes réclamations. Dès qu’elle a trouvé enfin une issue par laquelle elle puisse réagir contre les abus invétérés, elle s’y précipite avec violence, et dans son emportement donne naissance à des maux non moins cuisans que ceux qu’on avait voulu guérir. On avait donc eu un gouvernement central frappé d’une paralysie d’où il ne sortait que pour faire des coups d’état qui étaient à recommencer toujours, et on n’avait pas eu d’administration. Les corps électifs auxquels on s’était remis du soin, d’administrer semblaient avoir pour principal souci de gagner cette popularité de mauvais aloi qui s’acquiert en esquivant ses devoirs quand ils exigent de la sévérité. Ainsi, en matière