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et de prolonger l’occupation autrichienne à Parme ? C’est évidemment quelque crime nouveau ou quelque tentative révolutionnaire. Comment au contraire faire cesser cette occupation, si ce n’est par la paix intérieure ? M. d’Azeglio disait, il y a dix ans, qu’il fallait conduire la révolution de l’Italie les mains dans les poches. Il ne faut pas prendre sans doute au pied de la lettre une expression familière. Cela veut dire du moins que la révolution de l’Italie ne peut s’accomplir que pacifiquement, par le travail des esprits et des mœurs, par cette force des choses qui fait qu’un peuple qui s’est en quelque sorte mûri lui-même obtient nécessairement la réalisation de ses vœux légitimes. C’est à ce point de vue que le Piémont peut exercer une influence utile au-delà des Alpes. Le Piémont est exposé sans doute à bien des tentations. Depuis quelque temps notamment, un homme qui a joué un rôle particulier dans les dernières révolutions, M. Manin, a entrepris de donner des conseils à l’Italie et au royaume piémontais ; il multiplie les lettres. Avec un sentiment qui l’honore, bien qu’il juge prudent de rejeter toute la faute sur les jésuites, il mettait récemment ses compatriotes en garde contre ce qu’il nommait la théorie du poignard. Une vue assez pratique des choses lui révèle également que le levier de tout ce qui peut s’accomplir en Italie est à Turin. Aussi s’efforce-t-il de grouper le parti national autour de la maison de Savoie. Seulement il demande à la maison de Savoie de chasser l’Autriche, de disperser tous les autres princes de la péninsule, de faire, en un mot, l’Italie indépendante et une. Petite entreprise, comme on voit ! Le Piémont a une perspective plus sûre devant lui, c’est de rester un état régulier et conservateur, au lieu de se jeter dans des aventures où il perdrait son autorité et son prestige. Telle est la vérité. Pour le Piémont, il n’y a qu’un moyen en ce moment de conserver la position qu’il a prise en Europe et de réserver l’avenir : c’est la paix, dût-il risquer de s’entendre appeler encore « le Caïn qui est aux sources du Pô. »

Ces divers traits indiqués dans la situation générale de l’Europe, il reste la vraie, la sérieuse question du moment, la querelle si étrangement survenue entre l’Angleterre et les États-Unis. Cette querelle n’est point finie, mais elle vient de prendre une face nouvelle ; elle est transportée du terrain étroit et brûlant où elle s’agitait sur un terrain de discussions et de négociations où semble disparaître tout ce qu’il y avait d’inconciliable dans ce différend au premier abord. Dans cette lutte diplomatique, il faut bien le dire, les États-Unis sont tenaces, l’Angleterre est modérée et conciliante ; le cabinet de Washington reste immobile dans ses prétentions, tandis que le gouvernement de la Grande-Bretagne s’avance vers lui. Il n’est point inutile de préciser les termes de ce débat au point où il en est venu. Deux questions, on le sait, étaient mêlées dans cette querelle, celle des enrôlemens et celle du traité relatif à l’Amérique centrale. Les États-Unis réclamaient avec hauteur une satisfaction pour la violation de leur neutralité, ils faisaient peser la responsabilité de cette violation sur le représentant britannique à Washington, M. Crampton, et en même temps ils contestaient le droit de l’Angleterre sur diverses possessions de l’Amérique centrale. L’Angleterre répondait par toute sorte d’explications et de regrets au sujet de la violation de la neutralité américaine, mais en refusant de rappeler M. Crampton, et elle