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chambre étaient le fruit de longues études et d’anciennes méditations, d’études et de méditations poursuivies pendant ces dix années du loisir que permet l’opposition même la plus active. Nos honorables adversaires sont arrivés au pouvoir imbus de ces excellens principes, dont la manifestation, de leur part, a excité tant d’admiration de notre côté de la chambre, tant de surprise et d’alarme sur d’autres bancs… Les mesures qu’ils nous ont proposées sont loin sans doute de répondre et aux besoins du pays, et à nos désirs, et aux principes mêmes sur lesquels elles se fondent ; mais il n’en est pas moins vrai que, depuis que nous avons un gouvernement tory, nous avons fait un grand pas dans la bonne voie, assez grand pour nous remplir d’espoir dans l’avenir, et pour nous décider à essayer de nous contenter, dans le présent, de ce que nous avons déjà obtenu. »

Peel ressentit vivement un coup si bien porté, et il le repoussa avec hauteur et rudesse envers ses adversaires, avec ménagement et douceur envers ses amis. Prenant sur-le-champ la parole après lord Palmerston, « le noble lord, dit-il, devrait voir avec un peu plus de tolérance les changemens d’opinion : il a été, pendant vingt ans, le partisan zélé de Perceval, de Castlereagh, de Canning ; jusqu’en 1827, jusqu’à la mort de M. Canning, cet adversaire décidé et invariable de toute réforme parlementaire, le noble lord a fidèlement suivi et servi M. Canning. En 1830, à l’avènement du comte Grey, l’avocat décidé et invariable de la réforme, le noble lord a aussi fidèlement suivi et servi le comte Grey Pendant la vie de M. Canning, n’avait-il donc rien vu dans les circonstances du temps, dans le progrès des événemens, qui indiquât la nécessité prochaine de grands changemens constitutionnels ? N’avait-il rien observé qui lui apprît qu’il était prudent de devancer les demandes populaires et d’écarter, par des concessions opportunes et limitées, la nécessité d’innovations dangereuses ? Fallait-il absolument, pour amener et justifier son changement d’opinion, quelque grand coup soudain et imprévu, comme la révolution de 1830 en France ? Je puis croire et je crois à la pureté de ses motifs ; mais je crois aussi que, de sa part, il y a mauvaise grâce à étaler tant d’intolérance et de violence contre les changemens d’opinion dans l’esprit d’autrui… Il insinue que j’ai trompé mes amis par l’étendue et l’importance des modifications que j’ai apportées dans les lois sur les grains ; je suis accoutumé à entendre, de la part de ses amis à lui, un reproche tout contraire : ils disent que ces modifications ne sont ni étendues ni importantes, que la loi nouvelle ne vaut pas mieux que l’ancienne, qu’il y a mécompte et déception, non pas pour les agriculteurs, mais pour le grand corps des consommateurs. Ces deux accusations ne peuvent