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en même temps que toute augmentation de prix sur les grains, imposée pour atteindre à ce but, doit être réclamée non comme une prime particulière pour l’agriculture, mais comme une mesure avantageuse au pays tout entier… Telle est la proposition que le gouvernement de sa majesté soumet à la chambre… Le moment me paraît bon pour régler cette question. Il n’y a pas au dehors assez de blé disponible pour alarmer ceux qui redoutent un excès d’importation. Pendant le temps qui s’est écoulé depuis la clôture du parlement, et au milieu de la détresse commerciale, les esprits sont restés sur cette délicate matière, aussi modérés, aussi calmes qu’on pouvait le désirer. Quelque fermentation a pu paraître çà et là, quelques tentatives ont pu être faites pour enflammer le peuple ; mais, je dois en convenir, l’attitude et la conduite du gros de cette nation, notamment des classes les plus frappées par la détresse commerciale, leur donnent droit à la sympathie et au respect. Aucun obstacle violent n’entravera la solution de la question ; elle est pleinement dans le domaine de la loi. J’ai la confiance qu’acceptée, ou non, tout entière et telle qu’elle est, la proposition que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre aura pour effet d’amener quelque arrangement satisfaisant et définitif. »

C’était trop espérer et de la sagesse générale des hommes et de sa propre sagesse : quoique adoptées sans amendemens et à de fortes majorités, les propositions de sir Robert Peel, loin d’amener pour cette grande question un arrangement satisfaisant et définitif, ne furent qu’un nouveau pas dans la lutte. Dès qu’il eut manifesté l’intention de réduire les droits protecteurs de l’échelle mobile, une scission commença dans son parti et jusque dans son cabinet ; le duc de Buckingham, qu’il y avait appelé comme le plus dévoué représentant des intérêts agricoles, se retira, et dans la chambre des communes 104 conservateurs votèrent pour l’amendement qui réclamait des droits plus élevés que ceux de la proposition ministérielle. M. Villiers et M. Cobden réunirent 90 voix en faveur de la complète abolition des lois sur les céréales. Le système du droit fixe, soutenu par les whigs, rallia 226 suffrages contre 349, fidèles à celui de l’échelle mobile. Quelque complète que fût pour le gouvernement la victoire, ce n’étaient pas là, surtout à l’entrée de la carrière, des oppositions ni des symptômes d’avenir à dédaigner. Au terme de la session de 1842, l’avant-veille de la prorogation du parlement, lord Palmerston se chargea de mettre en lumière cette situation et d’en faire éclater, sous les pas du cabinet victorieux, les embarras et les périls : « Certainement, dit-il, le jour où nous sommes sortis des affaires et où nos adversaires ont pris le pouvoir, ce jour a été pour le parti tory un jour d’exultation et de triomphe. C’était certainement