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n’y a plus maintenant, je crois, grande différence d’opinion, et tout le monde est d’accord qu’il faut acheter au plus bas et vendre au plus haut prix possible ;… mais quand on traite avec des intérêts si grands et si variés, on ne saurait procéder toujours par une exacte application du principe. Les vrais amis du principe général doivent penser qu’il ne serait pas sage de proposer des changemens tels qu’il en résultât des maux particuliers assez graves pour soulever une grande clameur et exciter une vive sympathie. Je pense à cet égard comme un homme d’état éminent qui n’est plus, et avec qui j’avais le bonheur d’agir en 1825. M. Huskisson proposa, à cette époque, dans la politique commerciale et coloniale de ce pays, quelques réformes bien moins étendues que celles que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre. Il dit en les présentant : « Je n’ai nul désir de mettre en vigueur des principes nouveaux quand les circonstances n’en provoquent pas l’application ; une expérience déjà longue dans les affaires publiques m’a appris, et chaque jour m’apprend encore qu’en présence des intérêts si vastes et si complexes de ce pays, les théories générales, quelque incontestables qu’elles soient abstractivement considérées, ne doivent être appliquées qu’avec une extrême circonspection, en tenant grand compte des relations actuelles de la société, et avec de grands ménagemens pour tous les établissemens qui se sont formés dans son sein. » Ce sont là, reprit Peel, de justes, profondes et sages idées, et elles nous ont dirigés, moi et mes collègues, dans la révision de notre tarif… Je regrette que, de nos réformes, il puisse résulter un peu de souffrance pour quelques intérêts ; si nous y avions renoncé par ce seul motif, nous nous serions condamnés à un ajournement indéfini de ces questions. J’ai la confiance que le bien général que produiront nos mesures sera une ample compensation à quelques dommages individuels, et qu’elles accroîtront grandement la demande des produits de notre industrie, ainsi que les moyens, pour le peuple, de se procurer les nécessités et les commodités de la vie. Nous faisons ces propositions dans un moment de grands embarras financiers ; mais en agissant ainsi, nous donnons à l’Europe un bon exemple : nous déclarons que nous ne chercherons pas à améliorer nos finances en élevant les droits à l’importation ; nous comptons sur d’autres moyens pour remplir notre trésor. J’espère que notre exemple agira sur les nations étrangères ; mais quand même elles ne le suivraient pas, cela ne devrait point nous décourager, car c’est toujours l’intérêt de ce pays-ci d’acheter à bon marché ce dont il a besoin, soit que les autres pays veuillent, ou non, en faire autant dans leurs rapports avec nous. Non-seulement ces principes nous seront immédiatement profitables, mais en les pratiquant nous en déterminerons tôt ou tard