sérieusement leur patrie comprendront enfin que leur point d’appui n’est pas là. Le principal mobile de ce dévouement des états secondaires à la politique des tsars, c’était, nous l’avons vu, le désir de créer en Allemagne un groupe d’états indépendans qui n’eussent rien à redouter des envahissemens de la Prusse et de l’Autriche. Le but est excellent ; mais fallait-il, pour l’atteindre, s’engager dans une voie toute semée de pièges et de périls ? Il y a ici d’étranges contradictions. Vous voulez maintenir votre indépendance, et vous commencez par l’aliéner au profit d’une puissance étrangère. Vous êtes décidés à repousser les usurpations de l’Autriche et de la Prusse, et vous oubliez que le moindre changement dans la politique de ces deux monarchies peut vous livrer à elles sans résistance. Sans doute c’est l’intérêt de la Russie qu’il y ait des divisions en Allemagne, et que les états secondaires, à un moment donné, puissent soutenir la politique moscovite contre Vienne ou Berlin ; mais supposez aussi une complication où la Russie ait besoin de fortifier la Prusse en Allemagne, aussitôt votre appui vous abandonne. Le vrai soutien des états secondaires, ce n’est pas la Russie, c’est l’esprit national. Le jour où le roi Louis, par la protection qu’il accordait aux arts, par les trésors dont il a décoré Munich, a fait d’une ville de troisième ordre une des capitales intellectuelles de la patrie allemande, il a soustrait pour longtemps la dynastie de Wittelsbach aux usurpations des dynasties rivales. Suivez cet exemple dans tout ce qu’il a de sérieux. Demandez aux progrès de vos peuples la garantie dont vous avez besoin. Profitez des fautes de vos rivaux, ou, inspirés par l’émulation, engagez avec eux ces luttes généreuses dans lesquelles il n’y a pas de vaincus. La Prusse semble abandonner sa mission ; c’est le moment de relever chez vous l’esprit public, d’encourager les sciences et les lettres, de faire appel aux ressources du pays. L’Autriche déploie hardiment toutes ses forces ; laisserez-vous sommeiller celles que vous possédez ? Vous n’êtes pas réduits à susciter une littérature, vous avez sous la main des élémens précieux, vous avez une bonne part des richesses morales de l’Allemagne ; c’est là qu’est votre salut.
Ces conseils si naturels, c’est la situation de la Bavière et de la Saxe qui me les suggère. Les blâmes que j’ai adressés à la politique extérieure de ces deux états me font un devoir de signaler avec la sympathie la plus franche tout ce que le spectacle de leur vie intérieure offre de satisfaisant à la pensée. Pendant que j’étais à Berlin, un homme très considérable, qui ne m’avait pas caché sa tristesse au sujet de la politique de la Prusse, me dit un jour avec un sentiment d’orgueil et de joie : « Vous serez content de Munich ! » Je n’avais pas compris d’abord l’accent particulier qu’il avait mis dans ces paroles ; ce souvenir me revint bientôt à l’esprit lorsque je visitai