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qu’aura à supporter la postérité… Votre conduite serait en trop grand contraste avec celle de vos pères, pressés par des embarras bien plus pesans que les vôtres. En présence d’une sédition dans leurs flottes, d’une rébellion en Irlande, de cruels désastres au loin, avec des fonds publics au-dessous de 52, vos pères, avec un redoublement de vigueur et aux applaudissemens du pays, se sont soumis à une taxe sur le revenu de 10 pour 100. Vous ne vous exposerez pas à une si injurieuse comparaison… Au moment où je vous remets la responsabilité, vous vous montrerez dignes de votre mission, dignes de représenter un grand peuple… L’empire de l’opinion prévaut de plus en plus sur l’empire de la force physique ; la bonne foi, le bon renom sont de plus en plus pour tous les peuples, surtout pour le peuple anglais, le plus sûr moyen de maintenir sa grandeur. Vous ne manquerez pas au devoir que vous ont légué vos pères ; vous ne ternirez pas un nom qui est votre plus glorieux héritage. »

Les chambres pensèrent et sentirent comme le ministre qui les honorait en s’y confiant ; le grand parti qui marchait sous sa conduite, propriétaires, capitalistes, négocians, manufacturiers, aristocrates et riches de toute sorte, accepta le fardeau qu’il lui imposait, et l’ordre fut rétabli dans les finances de l’état.

Au début et en apparence, la seconde des mesures que proposa sir Robert Peel était moins grave ; elle consistait dans la révision du tarif des droits imposés à l’entrée des produits étrangers. « Les principes d’après lesquels nous avons procédé en général, dit Peel (je dis en général, car il y a quelques articles qui font exception), sont ceux-ci. Nous avons voulu d’abord supprimer toute prohibition absolue, et abaisser les droits d’un effet prohibitif. Nous avons ensuite grandement réduit les droits sur les matières premières employées dans nos manufactures ; dans certains cas, le droit devient purement nominal et moyen de statistique plutôt que source de revenu ; presque dans aucun cas, le droit sur les matières brutes ne s’élève au-dessus de 5 pour 100. Je propose que, sur les objets qui sont en partie manufacturés, les droits soient effectivement réduits et ne dépassent jamais 12 pour 100. Enfin, sur les objets qui sont complètement le produit du travail manufacturier, les droits ne s’élèveront presque jamais au-dessus de 20 pour 100. » Douze cents articles étaient compris dans le tarif ; les droits furent réduits sur sept cent cinquante articles, et ces réductions, en y ajoutant celles dont le café et les bois de construction furent également l’objet, devaient entraîner pour le trésor une perte évaluée à 1,040,000 livres sterling (26,000,000 de francs). « Beaucoup de partisans déclarés de la liberté du commerce penseront, dit Peel, que je ne suis pas allé assez loin : sur le principe général de la liberté du commerce, il