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parlent pour lui. Avant 1848 et pendant les journées qui ont suivi la révolution, les finances de l’Autriche offraient un spectacle déplorable : la situation, sans être brillante, s’améliore de mois en mois, et ce qui est particulièrement digne de remarque, c’est la complète sécurité que le ministre a su communiquer aux esprits. On sent qu’on a affaire à un caractère intègre, à une intelligence active, résolue, pleine de ressources. Et quelle richesse qu’une telle sécurité au milieu de la carrière féconde que le traité du 30 mars vient d’ouvrir à l’Autriche !

L’Autriche, en effet, a été admirablement partagée, et c’est un singulier bonheur pour elle que ses intérêts particuliers se confondent si étroitement avec les intérêts de la civilisation et du monde. La liberté du Danube, la neutralisation de la Mer-Noire, les principes du nouveau droit maritime, tous ces grands résultats de la paix du 30 mars ont un double prix pour la monarchie des Habsbourg. Dans le temps même où la Mer-Noire et le Danube n’étaient pas encore affranchis, une immense activité commerciale s’était déployée dans ces riches contrées. Il avait suffi d’une paix de trente années pour créer de vastes ports, pour y attirer de toutes parts le commerce et la navigation : que sera-ce sous le régime nouveau consacré par l’Europe ? Trieste surtout, légitime orgueil de l’Autriche, semble appelée à une prospérité merveilleuse, et l’on n’a qu’à interroger son passé pour conjecturer ce qu’elle doit être dans l’avenir. C’est par elle que la plus grande moitié des contrées danubiennes est mise en rapport avec l’Europe méridionale et les pays du Levant. Trieste, en 1750, ne possédait pas plus de six mille habitans ; en 1810, elle en avait vingt-neuf mille, quarante-quatre mille en 1830, et près de quatre-vingt-dix mille au commencement de 1848. La société du Lloyd autrichien, qui a donné aux relations de l’Allemagne avec l’Orient une impulsion si énergique, a traversé des crises désastreuses après 1848. Pendant des mois entiers, la ville de Trieste a été en quelque sorte réduite à l’inaction. Isolée de Venise, qui lui rend de si précieux services, elle voyait ses opérations entravées par la guerre d’Italie, tandis que le port de Pesth, entrepôt si utile au commerce des principautés, était paralysé de son côté par les guerres de Hongrie. La société du Lloyd avait de grandes pertes à réparer ; elle a repris sa position sous l’influence de M. de Bruck, et elle est en mesure de mettre largement à profit les conquêtes du traité de Paris. Ne sont-ce pas là de grands événemens ? Voilà la route du Levant ouverte à l’Allemagne par l’initiative de l’Autriche, voilà l’Autriche rappelée à son vrai rôle, qui est de marcher vers l’Orient, d’y porter la culture et le commerce, d’y déployer ses forces pour neutraliser l’influence russe, et non pas de garder en Italie une position