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qui, des différens points de la confédération germanique, tournent leurs regards vers l’Autriche et y voient un théâtre propice où l’Allemagne entière peut se relever : M. de Bruck est en quelque sorte le représentant de ce parti-là. M. de Bruck n’est pas Autrichien ; il appartient à la Prusse, il est né dans cette province de Westphalie qui est fière aussi d’avoir donné le jour, il y a cent ans, à un autre grand citoyen, l’auteur des Idées patriotiques, celui qui a mérité le surnom de Franklin allemand, Justus Moeser. Il y a longtemps du reste que M. de Bruck a quitté son pays natal pour s’établir en Autriche. Ce n’était pas alors le baron de Bruck, c’était un pauvre apprenti, le fils d’un artisan qui gagnait son pain à la sueur de son front. Venu à Trieste pour y chercher de l’ouvrage, il s’éleva peu à peu ; à force de patience, de travail, d’économie, et grâce à une intelligence supérieure, l’ouvrier devint, négociant, et le négociant fut bientôt une puissance dans son pays d’adoption. C’est là que les événemens vinrent le trouver. Si j’ai cité auprès de son nom le nom du Franklin allemand, ne croyez pas que ce soit un rapprochement fortuit. M. de Bruck a aussi quelque chose de Franklin, le bon sens, la droiture, l’esprit pratique et un sérieux amour de sa patrie ; ajoutez-y l’ardeur et l’enthousiasme. Dévoué aux intérêts de l’Autriche, il ne l’est pas moins à la prospérité et à la gloire de l’Allemagne. De 1848 à 1856, son rôle a été grandissant de jour en jour ; personne n’était mieux préparé que lui à servir la politique nouvelle de l’Autriche, c’est-à-dire à transformer le pays par le travail. Chargé du département du commerce dans le ministère formé le 21 novembre 1848 sous la présidence du prince de Schwarzenberg, M. de Bruck fut un des plus vaillans auxiliaires du prince et signala son administration par des mesures fécondes. Au mois de juin 1853, quelques semaines après la fastueuse ambassade du prince Menchikof à Constantinople et sa rupture hautaine avec la Porte-Ottomane, l’Autriche, en vue de la crise qui se préparait, avait besoin d’être représentée auprès de la Turquie par un homme éminent. M. de Bruck fut choisi, et l’Europe sait avec quelle intelligence il a rempli sa mission. Tandis que lord Redcliffe, on peut le dire aujourd’hui, semblait prendre plaisir, à intimider, à décourager le gouvernement d’Abdul-Medjid par la hauteur de ses allures, M. de Bruck, d’accord en cela avec les représentans de la France, s’appliquait en toute occasion à relever moralement la Turquie, persuadé que par cette politique il prêtait un appui plus efficace à la double cause de l’équilibre européen et du christianisme oriental. Depuis le 10 mars 1855, M. de Bruck a repris place dans le cabinet de Vienne ; il y est chargé de l’administration des finances, et l’on peut affirmer qu’il inspire au pays tout entier une confiance sans réserve. Ses actes surtout