Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mon devoir comme ministre de sa majesté, dit-il en terminant l’exposé de son plan ; j’ai proposé, avec tout le poids du gouvernement, ce que je crois nécessaire pour le bien public. Je vous laisse maintenant à accomplir le devoir qui vous est propre, le devoir d’examiner mûrement et d’accepter ou de rejeter définitivement les mesures que je vous propose. Nous vivons dans une ère solennelle pour les sociétés humaines. C’est la pente naturelle des hommes d’exagérer la grandeur des crises qui les frappent et des événemens auxquels ils assistent. Pourtant on ne saurait nier, je crois, que l’époque où la Providence nous a placés, nous et nos pères, l’époque qui s’est écoulée depuis la première explosion de la première révolution française, ne soit l’une des périodes les plus mémorables de l’histoire du monde. La conduite que l’Angleterre a tenue durant ce temps attirera les regards, et, j’en ai la confiance, l’admiration de la postérité. Cette période se divise en deux parts presque égales : vingt-cinq ans d’une lutte continue, la plus redoutable où se soient jamais engagées les forces d’un peuple, et vingt-cinq ans d’une profonde paix européenne, rare fortune dont la plupart d’entre nous ont joui, et que nous avons due aux sacrifices accomplis pendant les années de guerre. Un temps viendra où d’innombrables millions d’hommes nés de notre sang, mis par notre vaste colonisation en possession d’une grande partie de notre globe, vivant sous des institutions issues des nôtres, parlant notre langue, un temps viendra, dis-je, où ces in nombrables millions d’hommes se rappelleront avec orgueil les exemples de courage et de constance qu’ont donnés nos pères pendant la terrible époque de la guerre… On comparera leur conduite avec celle que nous aurons tenue nous-mêmes pendant les années de la paix. Je m’adresse aujourd’hui à vous, au sein de cette paix qui dure de puis vingt-cinq ans ; je vous expose les difficultés et les charges financières qui pèsent sur vous. J’ai l’espérance, la ferme confiance que, fidèles à l’exemple de vos pères, vous regarderez ces difficultés en face, et que vous ne refuserez pas de faire des sacrifices pareils à ceux qu’ils ont faits pour maintenir le crédit public. Pensez-y bien ; ceci n’est pas une difficulté accidentelle : il y a dans les hautes classes de la société de grands progrès de jouissance et de bien-être, de prospérité et de richesse ; au milieu de ces progrès existe un mal grave, un désordre dans les finances de l’état qui a été croissant depuis sept ans, et en face duquel vous vous trouvez aujourd’hui. Si vous avez, comme je crois que vous l’avez, le courage et la constance de ceux qui vous ont été donnés en exemple, vous ne consentirez pas à rester les bras croisés, regardant ce mal s’accroître tous les ans. Vous n’adopterez pas le misérable expédient d’aggraver pendant la paix, au milieu de ces progrès de prospérité et de richesse, le fardeau