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l’intolérance lui apparurent comme les plus dangereux auxiliaires de l’athéisme, et tandis que M. Stahl s’efforçait de constituer en Prusse une église judaïque, l’ancien représentant du piétisme modéré, l’ancien confident du roi de Prusse et du général de Radowitz, M. de Bunsen en un mot, se confiait hardiment à l’église de l’avenir. Autour de lui se groupait l’élite du royaume ; sans multiplier ici les noms propres, me sera-t-il permis de nommer au moins le frère du roi, Frédéric-Guillaume-Louis, prince de Prusse, et surtout la noble compagne de sa vie, la fille du grand-duc de Weimar Charles-Frédéric, la princesse Augusta ?

C’est ainsi que ces deux directions se dessinaient chaque jour davantage. Jamais contraste ne fut plus expressif et plus complet. Ici, les prétentions du parti féodal en face de l’activité intelligente et féconde de M. de Hinckeldey ; là, l’intolérance et le judaïsme de M. Stahl en face de la libérale piété de M. de Bunsen. Les deux partis ne pouvaient manquer de se rencontrer un jour ; il fallait que l’un des deux abandonnât la place. La rupture entre les puissances occidentales et la Russie amena de nouveaux conflits et précipita les événemens. Le parti féodal et piétiste, le parti des hobereaux et de M. Stahl était nécessairement dévoué aux intérêts de la Russie ; les hobereaux sont presque tous des Prussiens de la frontière russe qui enragent de ne pas être des boyards. Les hommes qui réclament le droit de haute et basse justice dans leurs domaines, les hommes qui déclament à la tribune des deux chambres contre le principe de l’égalité civile, pouvaient-ils hésiter entre la Russie et les puissances occidentales ? Quant à M. Stahl, malgré son ardeur à défendre le protestantisme, j’ai dit qu’il était juif avant toute chose, et les circonstances le firent assez voir. Ce fervent apôtre des dogmes luthériens s’accommode parfaitement de la domination de l’esprit moscovite. Il fallait l’entendre glorifier la Russie comme la protectrice de l’ordre et de la religion en Europe. La Russie, par la réunion sur une seule tête du pouvoir politique et de la majesté religieuse, est la plus haute forme de l’autorité sur la terre ; la Russie doit être le modèle de la Prusse. Surtout défions-nous de l’Angleterre et de la France ! L’Angleterre est protestante, mais révolutionnaire ; la France n’est ni protestante ni catholique, c’est la philosophie en pratique et en acte, c’est la révolution qui s’est faite homme. Voilà ce que M. Stahl répétait sur tous les tons à la tribune de la seconde chambre, et jamais on ne déploya plus d’esprit, plus de ressources, une dialectique plus résolue et plus subtile, pour défendre, quoi ? l’abaissement du protestantisme prussien sous la main qui persécutait naguère les catholiques de Pologne et les luthériens de la Courlande. M. Stahl, dans cette discussion, a mis à nu le fond de sa pensée ; il