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marquer le lieu où se trouvent cette montagne et ces cavernes, il ne serait pas impossible qu’on y découvrît la trace de quelque mine anciennement exploitée. Le mot bhrigou signifie précipice, et aussi le sommet aplati d’une montagne. Ce fœtus caché dans la cuisse de la brahmanie ressemble fort à un beau diamant que la fugitive emportait en fuyant la colère des rois. Ceux-ci pourraient bien être aussi quelques princes aventuriers et pillards qui, après avoir enlevé de grandes richesses accumulées par des brahmanes habiles dans l’art de découvrir les pierres précieuses, s’égarent dans les cavernes dont ils ne peuvent retrouver l’issue ; mais ce que nous poursuivons nous-mêmes, ce n’est pas le mot de l’énigme, enfoui sous la poussière des siècles comme le trésor caché dans la demeure d’un descendant de Bhrigou, et qui excita la cupidité des fils de rois : contentons-nous de suivre l’idée brahmanique qui se montre au grand jour, et reprenons la légende.

« Ce n’est point moi qui vous ai volé vos yeux, répliqua la brahmanie ; je ne suis point en colère : c’est cet enfant. Ce fils de Bhrigou s’irrite contre vous aujourd’hui… C’est lui en vérité qui, furieux de la mort de son père, veut vous tuer à son tour ; c’est lui qui par son éclat divin vous a tous aveuglés. Adorez-le, adorez mon fils Aorva, et, satisfait de vos hommages, il vous délivrera de la cécité. — Et les rois lui dirent : Calme-toi (prasîda) ! Et Aorva leur accorda la faveur de se calmer. De là vient qu’on l’a nommé dans les mondes Prâsada (calme et faveur). Son vrai nom était Aorva (feu sous-marin). » Quand les rois furent partis après avoir recouvré la vue, le jeune solitaire descendant de Bhrigou songea à détruire les mondes pour se venger. Le voilà qui se livre à des austérités terribles, par lesquelles il consume les mondes, et avec eux les dieux, les titans et les hommes, cherchant ainsi à réjouir ses ancêtres ; mais les ancêtres du solitaire descendent vers lui et disent : « Nous avons vu la puissance de ton éclat terrible, ô Aorva, notre fils ! Calme-le, restreins cette colère qui t’anime contre les mondes. Au temps où nous étions tous sans maîtres, occupés de cette pensée, nous autres, fils de Bhrigou, nous ne perdions pas de vue la destruction de ces guerriers qui pratiquent le meurtre. Lorsque par la suite des âges le malheur nous a atteints, c’est nous qui l’avons reçue, cette mort que nous voulions donner aux guerriers. Ce trésor que l’un d’eux a déterré dans la demeure d’un Bhrigou est devenu un gage d’inimitié entre nous et les guerriers : il n’a servi qu’à exciter leur colère ; mais que nous importent les trésors, à nous qui ne cherchons que le ciel, puisque d’ailleurs nous avons le contrôle absolu sur tous ces biens, la puissance qui procure les richesses ? La mort même ne peut pas tout nous prendre, et voilà le