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nière d’agir, et qu’ils me célèbrent par leurs louanges, afin que je puisse aussi te contenter, parle, dis-moi ce que tu veux, et je le ferai !

« — De ta cuisse droite, ô roi, enlève un morceau de chair égal en poids à la chair de la colombe, dit le faucon ; de cette façon, celle-ci sera sauvée ; les êtres qui vivent de proie célébreront tes louanges, et je serai satisfait. » — Le roi, ayant enlevé de sa cuisse droite un morceau de sa chair, le plaça dans une balance ; mais la colombe pesait davantage. Il ôta un second morceau de sa chair, et la colombe pesait encore davantage ; puis, ajoutant toujours, il finit par mettre son corps tout entier dans la balance, et la colombe pesait encore davantage. Ainsi le roi monta de sa personne sur le plateau, et il agit sans détour. Le faucon, qui était Indra, ayant vu ce qui se passait, s’écria : Il est sauvé !… et il se perdit dans l’espace[1]. »

Parce qu’il est inoffensif, chaste et instruit dans la connaissance des textes sacrés, l’étudiant brahmane l’emporte sur le roi juste, fidèle à sa parole, voué à la protection des opprimés. Les dieux ont pris la peine de se métamorphoser en oiseaux et de descendre sur la terre pour faire éclater cette vérité dans tout son jour. Dans cet apologue, l’enseignement est direct, mais tempéré par la douceur et la simplicité du langage. Rarement le brahmanisme condescend à modérer l’âpreté de sa doctrine. On le voit d’ordinaire s’emparer hardiment des plus vieilles traditions qui se rapportent aux cataclysmes anciens ou aux grands phénomènes de la nature et les faire servir à sa cause. Ainsi les grands sages, les saints des premiers temps, aïeux des brahmanes répandus par toute l’Inde, ont commandé aux élémens, avalé la mer d’une seule gorgée, abaissé des montagnes, changé en bêtes les rois orgueilleux ; ils ont fini par se loger dans les constellations, demeures privilégiées des grandes âmes, et que la Grèce, avec ses instincts de gloire, réservait à ses héros et à ses héroïnes. Or cette puissance surnaturelle dont ils étaient remplis, c’était par la méditation accompagnée des plus rudes austérités que les sages parvenaient à l’acquérir, c’était par cette foi qui transporté les montagnes, selon le mot de l’Écriture, mais avec cette différence qu’ils travaillaient à l’acquérir dans le dessein de se venger, de nuire à leurs semblables et de faire trembler les créatures devant eux.


IV.

L’existence des feux sous-marins, qui sortent du fond de l’océan, et celle des volcans, plus facile à constater, sont des phénomènes qui

  1. Mahâbhârata, chant du Vanaparva, page 683.