par des satires amères, par des tableaux émouvans. Il eût été lui-même entraîné dans leur perte sans l’intercession d’un des magistrats d’Amsterdam et sans la prudence de sa belle-sœur, qui lui fît brûler le manuscrit d’une de ses pièces, ce dont il se plaignit vivement plus tard. Il en fut quitte pour une amende de quelques centaines de florins. Il resta fidèle à la mémoire de ses amis politiques, à la cause de la tolérance religieuse, jusqu’à la fin de sa vie ; mais profondément ému des dissidences qui avaient fini par ensanglanter le pays fatigué des embarras que certains prédicateurs protestans orthodoxes lui suscitèrent pour des œuvres regardées aujourd’hui comme ses meilleures, il se tourna vers le catholicisme, qu’il finit par embrasser ouvertement. Vondel ne cessa dès-lors de professer la religion romaine, de chanter ses mystères avec une chaleur qui atteste la plus profonde conviction. Hooft et ses amis ne lui pardonnèrent point d’avoir renié le protestantisme. Le caractère du poète s’aigrit et s’altéra ; il devint habituellement morose. Seul et triste, le pauvre vieillard n’avait plus auprès de lui que sa fille, sa bonne fille Anna, qui le soignait et le consolait ; mais elle aussi le précéda tout à coup dans l’éternité. À ces chagrins domestiques s’ajouta la crainte du grand passage. « La mort me répugne, s’écriait-il ; je désire la vie éternelle ; mais je voudrais y être emporté comme Élie. » Vondel mourut en 1679 : il avait quatre-vingt-onze ans.
Tel fut l’homme auquel la Néerlande doit très certainement son plus beau fleuron littéraire. Il serait difficile de donner une idée générale de ses œuvres. Vondel a composé un nombre effrayant de tragédies. Lucifer passe pour son chef-d’œuvre. Le théâtre représente le ciel ; le sujet est la chute des anges, celle de l’homme vient à la fin de la pièce et la complète : c’est la vengeance que Lucifer tire de Dieu. Les Hollandais ont plusieurs fois comparé cette œuvre dramatique au Paradis perdu de Milton, avec lequel la sombre et biblique poésie de Vondel présente, il est vrai, quelques traits de ressemblance. Seulement on ne trouve pas dans le tragique néerlandais des scènes comme la réconciliation d’Adam et d’Ève après la chute, grand et touchant épisode, inspiré, dit-on, au poète anglais par un souvenir de sa vie domestique. Vondel a la phrase solennelle, le vers retentissant, la pensée solide, mais il est peu accessible au lecteur vulgaire. C’est plutôt un poète lyrique qu’un poète dramatique. Dans ses tragédies, on admire surtout les chœurs. Cependant le motif de ces chœurs n’est pas en général des plus saisissans ni des plus variés ; mais quelques-uns contiennent des beautés réelles. Une autre tragédie, Adam et Ève, se distingue également par des chœurs remarquables. Adam s’écrie : « O fille, sœur, fiancée, comment t’appellerai-je ? Le paradis a mille fleurs qui se lèvent pour baiser tes pieds ! » Ce jeune amour