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possède encore après l’avoir donnée, sa pensée, sa parole, son cœur. D’autres fonctions plus humbles, mais qui ne manquent point d’une certaine suavité, existent dans l’église réformée hollandaise, par exemple celles du consolateur des mourans. Le protestantisme, en imposant à chaque homme le devoir de se faire pour lui-même une conscience et une foi, développe d’ailleurs le sentiment de la personnalité ; il en résulte que des types divers, exprimant bien le caractère des différentes doctrines, se rencontrent jusque sous les toits de chaume. La vie religieuse dans les villages de la Hollande a fourni à M. van Koetsveld le sujet d’un assez joli roman, le Pasteur de Mastland. Seulement l’auteur s’est plutôt attaché à décrire et à mettre en scène les divisions de l’église réformée qu’à extraire le parfum de ce spiritualisme biblique trop peu connu.

Nous voulons espérer aussi que la littérature néerlandaise se retrempera quelque jour à une source d’inspiration plus humaine. Il lui suffit pour retrouver sa voie, dont elle a été détournée par Bilderdijk et par les autres orthodoxes, de méditer sur son histoire et sur ses monumens nationaux. De l’université de Groningue, si l’on se rend à l’athénée d’Amsterdam, on rencontrera sur le chemin, au bord du Zuiderzée, la petite ville de Muiden. Dominée par un vieux château, cette ville, réduite à cinq mille habitans, est comme amaigrie par l’âge ; la campagne environnante est plate et marécageuse, le vieux château lui-même se dresse sombre, taciturne, abandonné. C’est pourtant dans cette ruine, au milieu d’une nature qui n’offre rien de poétique ni de récréant pour les yeux, que se réunissait au commencement du XVIIIe siècle une pléiade de beaux-esprits. Quatre noms survivent à cette grande époque engloutie, Hooft et Huygens (le père du géomètre), Cats et Vondel. Vondel était né à Cologne le 17 novembre 1587. Son grand-père appartenait à la secte des anabaptistes. Les persécutions religieuses obligèrent cette honnête famille de marchands à quitter l’Allemagne et à chercher un asile sur le sol hospitalier des Pays-Bas. Joost van Vondel, alors en bas âge, fut amené en Hollande sur un mauvais chariot. Sa mère, durant la route, faisait sécher au vent les langes du nouveau-né sur de longs bâtons fixés aux parois de la voiture. Les parens émigrés s’établirent d’abord à Utrecht, puis à Amsterdam. Ils ouvrirent dans cette dernière ville une boutique de bonneterie. Ce commerce prospéra. Il y avait deux fils dans la maison, Guillaume et Joost. On envoya le premier à l’université ; la seule langue que le second apprît dans son enfance fut le néerlandais. Par une erreur assez commune, l’éducation classique fut ainsi donnée à celui des deux enfans qui, malgré de longs voyages et quelques facultés heureuses, devait rester obscur. Joost fut élevé dans le commerce des bas, pour lequel il