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celle des témoignages du plus invariable attachement fédéral. Autrefois la Prusse et l’Autriche étaient également unies avec la Russie, aujourd’hui la Prusse reste avec la Russie ; l’Autriche est avec la France et l’Angleterre : c’est là, ce nous semble, le point où la question d’Orient laisse, en disparaissant, la politique allemande.

Les affaires d’Italie, qui sont venues se rattacher à la lutte orientale, semblent de leur côté entrer également dans une phase nouvelle. Certes la question italienne n’a point dû de naître aux complications survenues en Orient. Elle existait bien ayant ; c’est l’éternelle question des griefs et des espérances d’un peuple. Deux causes particulières devaient contribuer à la faire renaître aujourd’hui : d’abord la perspective d’une lutte, dont les conditions ne se dessinaient point encore, mais qui pouvait embrasser l’Europe en passant de l’Orient dans l’Occident, la mettait au premier rang des problèmes inévitables d’un prochain avenir ; ensuite l’alliance d’un des états italiens avec les puissances occidentales lui créait une issue naturelle. Malheureusement le danger pour une telle question, grande par elle-même, c’est d’être liée à une autre question, d’avoir à subir les variations et les chances d’une lutte engagée avec un but déterminé. La paix survenant aujourd’hui, il en est résulté, il devait en résulter une disproportion singulière entre les espérances conçues et la réalité, dès que l’examen de la situation de l’Italie n’était plus qu’une des affaires incidentes soumises au congrès des puissances. La participation de l’Autriche à l’œuvre de la paix, sa position d’alliée de la France et de l’Angleterre rendaient le problème plus difficile encore. Le Piémont a été fidèle à son rôle en parlant dans le congrès de Paris au nom de l’Italie, en faisant entendre ses plaintes ; il usait d’un droit en représentant ce qu’il y avait de dangers pour lui dans une occupation étrangère qui gagnait insensiblement tous les autres états, dans la fatale insécurité qui règne au-delà des Alpes. Quelle était la conclusion ? Au fond, pour les gouvernemens européens, il n’y avait à choisir au moment décisif qu’entre une guerre nouvelle, avec la révolution pour auxiliaire, et une intervention diplomatique restreinte à certaines questions de gouvernement intérieur. Ils ont opté pour ce dernier parti, et sous ce rapport la France, l’Angleterre et l’Autriche se sont trouvées d’accord pour solliciter dans certains états des améliorations indispensables. L’Angleterre elle-même n’a point eu dans ces affaires une politique aussi distincte qu’on le pense. Rien ne le prouve mieux que la dépêche de lord Clarendon au sujet de la note sarde du 16 avril. Le ministre anglais n’avait pas cru devoir répondre à cette note, il ne répond que parce que le gouvernement piémontais a paru le désirer, et sa réponse se borne à un point particulier, sur lequel il n’y a qu’un avis : c’est l’occupation étrangère dans les États-Romains. La vérité est aujourd’hui que tout semble consister dans une action collective de la France et de l’Autriche à Rome, de l’Angleterre et de la France à Naples, pour faire prévaloir dans l’administration de ces deux pays un esprit de tolérance et de sages réformes ; c’est à ce point de vue qu’on peut dire que les affaires d’Italie entrent dans une phase nouvelle, où l’autorité de l’Europe suffira sans doute pour amener quelque apaisement.

D’où peut naître aujourd’hui une altération sérieuse dans la politique gé-