Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/905

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesure comme une condition de la prospérité des provinces du Danube. La Francs et l’Angleterre sont favorables à cette pensée ; la Russie ne parait point s’y opposer ; la Turquie et l’Autriche luttent pour le maintien de l’état actuel. L’organisation nouvelle des principautés est une des suites des affaires d’Orient ; mais la question principale est tranchée. Les armées quittent leur champ de bataille. Les alliés se retirent de la Crimée, et les Russes du territoire ottoman en Asie. La politique européenne fait de même : elle se retire, non sans faire quelque station, en cherchant à reconnaître le chemin qu’elle a parcouru et le point où elle se retrouve. C’est dire que les affaires d’Orient n’existent que par leurs conséquences au point de vue de la situation générale du continent et des diverses questions qui s’y rattachent.

Une de ces conséquences est le traité du 15 avril, et une des particularités de ce traité, c’est qu’il a laissé en Allemagne, dans une certaine partie de l’Allemagne, une impression des plus vives, on pourrait presque dire une impression d’amertume, non contre la France et l’Angleterre, mais contre l’Autriche. Les politiques allemands, qui tournent d’habitude leurs regards vers le Nord, espéraient que la paix aurait ce bon résultat de dissoudre l’alliance du 2 décembre 1854, ce qui pourrait s’appeler à quelques égards l’alliance du Midi. Il n’en a rien été ; la paix au contraire a semblé resserrer cette alliance, en la faisant apparaître sous une nouvelle forme. On a vu dans un tel fait presque une trahison ou le signe d’une préméditation secrète contre l’organisation fédérale actuelle de l’Allemagne, dont le cabinet de Vienne est accusé de préparer le remaniement à son profit. On a dû être d’autant moins disposé en Prusse à écouter l’Autriche, si celle-ci, comme on l’a dit, a cherché à renouveler les traités par lesquels les deux puissances germaniques se garantissent mutuellement leurs territoires allemands et non allemands, — s’il est vrai, comme on s’est obstiné à le répéter, qu’un voyage récent du prince Windischgraëtz à Berlin n’ait point été étranger à cette affaire. L’Autriche, dont la politique n’est point restée inactive à coup sûr depuis deux mois, a bien pu songer en effet à multiplier ses points d’appui, à s’assurer des alliances de toutes parts dans l’Occident et au centre de l’Europe. La Prusse n’était point d’humeur à renouveler des engagemens qui lui pesaient fort déjà, et elle ne l’a pas même laissé ignorer, il en résulte que le traité du 15 avril a dû avoir d’autant plus de force aux yeux du cabinet de Vienne, et que le rapprochement entre l’Autriche d’une part, la France et l’Angleterre de l’autre, a semblé prendre un caractère plus marqué, tandis que, par une coïncidence singulière, le roi de Prusse recevait au même instant la visite de l’empereur Alexandre de Russie. Quel rapport le voyage du tsar à Berlin a-t-il avec le traité du 15 avril ? Il serait difficile de le préciser. Si l’on cherchait dans les circonstances la signification actuelle d’une telle excursion, on pourrait y voir l’intention de laisser paraître un accord plus intime entre les deux cours au moment où l’alliance de l’Autriche avec les puissances occidentales s’attestait par un acte inattendu, comme dans les incidens qui ont lieu en Allemagne depuis quelques jours on peut voir la marque de cet antagonisme permanent qui existe entre l’Autriche et la Prusse, qui a précédé la guerre et qui lui survit, que le traité du 15 avril a fait éclater une fois de plus, et qui prend toutes les formes, même