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L’Angleterre est une puissance protestante qui ne s’intéresse que médiocrement à l’existence de la papauté. L’Angleterre au reste ne se méprend pas aujourd’hui sur ce qui existe dans les États-Romains. Si elle l’ignorait, elle a pu être instruite ; elle a à Rome des agens intelligens, et lord Clarendon, si nous ne nous trompons, n’a pu que reconnaître récemment ce qui a été fait par Pie IX, — tout en regrettant qu’on n’allât pas plus vite. Pour l’Angleterre, il n’y a d’autre question, à vrai dire, que celle de l’occupation étrangère. L’Autriche est une puissance catholique, mais une puissance maîtresse de la Lombardie, et qui est, si l’on nous passe le terme, trop intéressée en tout ce qui regarde l’Italie. C’est l’heureuse fortune de la France d’être la mieux placée peut-être aujourd’hui pour intervenir utilement, pour appuyer et pour conseiller. Elle n’a point, comme l’Autriche, des intérêts propres à défendre au-delà des Alpes. Elle n’est point, comme l’Angleterre, un état protestant ; elle a été la première à aller rouvrir les portes de Rome à Pie IX, et l’armée qu’elle a laissée autour du saint-siège ne coûte rien au trésor pontifical. Rapprochée de l’Autriche par la volonté commune de maintenir la souveraineté temporelle du pape, la France peut agir avec le cabinet de Vienne à Rome, de même qu’avec l’Angleterre elle peut agir à Naples, — et partout sa politique ne peut qu’être une politique de conciliation, de pacification, de réformes justement et sagement libérales.

Telle apparaît aujourd’hui, ce nous semble, cette question, qui touche à la situation générale de l’Italie, aux conditions particulières des États-Romains et à la politique des divers cabinets. Il se peut que dans ces termes elle ne comble point toutes les espérances. Elle n’a point pris le cours qu’elle aurait pu prendre à la faveur d’autres événemens. Elle reste pour les états italiens une question de bon gouvernement intérieur, qui laisse l’avenir sous un voile. Il est une chose certaine cependant : cet avenir, l’Italie elle-même peut le préparer en dégageant sa cause des complicités qui la minent. Certes ce ne sont point les dons éclatans qui manquent aux Italiens. Leur honneur, leur gloire presque, dirons-nous, est de sentir qu’ils ne sont pas bien et de ne pouvoir être satisfaits, placés dans des conditions inférieures à leur génie. Leur illusion est de ne point se rendre compte des causes de leur situation, de chercher un soulagement dans des remèdes imaginaires qui ne font qu’accroître le mal, de parler sans cesse d’unité quand la division est leur plaie, quand ils ne s’entendraient pas même le jour où il faudrait expliquer cette unité ; c’est de croire qu’ils tiendront à bout de leur destinée en s’agitant et en agitant, comme le disait récemment un chef de parti, lorsque l’agitation au contraire est leur piège, parce qu’elle entretient