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antérieures, il a fait manger des cœnures à un chien, et bientôt dans les intestins de ce dernier on a trouvé un ténia qui jusqu’à ce jour, au dire de l’auteur, n’aurait été rencontré que chez le loup[1]. Puis, quand ce dernier helminthe a été bien développé, l’expérimentateur a donné à des moutons des segmens de ce ténia dont les œufs montraient déjà les embryons à six crochets. Au bout de quelques jours, ces moutons ont été attaqués du tournis. On les a tués alors, on leur a ouvert le crâne, et on a trouvé dans leur cerveau des cœnures à divers degrés de développement. En réalité, M. Küchenmeister avait semé des ténias dans le chien en lui donnant des cœnures, et des cœnures dans les moutons en leur donnant des segmens mûrs de ténia.

Les partisans de la génération spontanée disaient : — Comment expliquer, en dehors de cette doctrine, l’existence de tant d’intestinaux, toujours dépourvus d’organes reproducteurs et apparaissant au cœur même de nos tissus, dans les muscles (cysticerque), dans le cerveau (cœnure) ?… Grâce aux travaux des habiles naturalistes dont nous avons raconté trop succinctement les recherches, nous pouvons aujourd’hui leur répondre : — Toutes ces prétendues espèces agames ne sont que les phases diverses du développement d’espèces sexuées. Déjà dans quelques cas on a suivi les changemens de toute sorte que celles-ci subissent pour passer de l’état de germe à l’état d’animal complet, et l’analogie autorise à penser qu’il en est de même des autres. C’est là un résultat des plus importans. Le dernier argument invoqué en faveur des générations équivoques tombe pour ne plus se relever, et nous pouvons répéter avec toute certitude le magnifique aphorisme de Harvey : — Tout être vivant vient d’un œuf. — Mais pour se développer tout œuf doit être fécondé : l’élément mâle est aussi nécessaire que l’élément femelle, et par conséquent tout être vivant a son père et sa mère. Un père, une mère, un œuf, voilà dans l’état actuel des choses l’origine de tout animal. Les phénomènes de la généagénèse masquent, sans jamais l’altérer au fond, cette grande vérité. C’est ce que nous espérons démontrer pleinement dans la dernière partie de ce travail.


A. DE QUATREFAGES.

  1. La détermination des espèces ainsi obtenues présente encore quelques obscurités que n’a pu entièrement dissiper le dernier travail de M. de Siebold, et sur lesquelles M. Valenciennes a insisté avec une autorité que je suis le premier à reconnaître [Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, 1854) ; mais ces difficultés de détail ne me paraissent infirmer en rien les résultats généraux dont j’ai cherché à donner une idée.