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êtres organisés et vivans les forces plastiques peuvent éprouver une sorte de déviation, d’où résultent de nouveaux êtres, très différens des premiers. Pour eux, par exemple, les parcelles du vitellus d’un mollusque isolées par le travail du framboisement donnent directement naissance à une espèce d’infusoire ; les alimens digérés sous l’influence de la vie se transforment en ténia ; les sucs destinés à renouveler les fibres musculaires s’organisent en cysticerques,… etc.

De ces deux opinions, la première s’appuie particulièrement sur des faits empruntés à l’histoire des infusoires, la seconde sur l’existence des vers intestinaux. Peut-être un jour traiterons-nous avec détail cette grande question de la génération spontanée, et montrerons-nous comment les expériences de Schwan et de Henle ont démontré le transport des germes dans les infusions que ne protégeaient pas les perfectionnemens dus à la science moderne. Bornons-nous aujourd’hui à constater que ces germes seuls engendrent les animalcules que Spallanzani et tant d’autres ont cru produits de toutes pièces, et que la moitié des argumens invoqués en faveur de la génération équivoque sont par là même anéantis. Restent ceux que l’on emprunte à l’histoire des helminthes et surtout à l’isolement de certaines espèces, à l’absence chez elles d’appareil reproducteur, à leur existence dans les cavités closes et jusque dans l’intimité des tissus. Ces argumens sont-ils mieux fondés que les autres, et, par une exception désormais reconnue pour être unique, certains helminthes, sinon tous, naissent-ils spontanément là où les rencontre le scalpel ?

C’est de l’embryogénie seule qu’on pouvait attendre une réponse à cette question, et depuis plusieurs années bien des efforts avaient été tentés pour résoudre cette dernière difficulté. En France M. Dujardin, en Allemagne MM. Bojanus, Baër, Kœlliker, Nordmann, Siebold, Wagner, etc., avaient découvert des faits nombreux et importans, mais isolés. Pas un helminthe n’avait été suivi, même dans les premiers temps de son évolution. À chaque instant, on se heurtait à des espèces agames, et pour expliquer leur existence c’est à peine si, il y a vingt ans, les naturalistes les plus hardis admettaient qu’il pourrait bien y avoir ici à tenir compte de métamorphoses comparables à celles des insectes[1].

Voici où en était la science vers 1840. On ne savait absolument rien de l’embryogénie des cystiques ni des cestoïdes. Quant aux trématodes, on disait : Dans les viscères des mollusques d’eau douce se produisent, on ne sait comment, des sporocystes, espèces d’enveloppes vivantes pourvues d’un tube digestif parfaitement caractérisé, mais toujours dépourvues d’organes reproducteurs. Les sporocystes

  1. Les observations de M. Ch. de Siebold sur le monostome changeant [monostomum mutabile) datent de 1835. Ce sont elles qui ont ouvert la voie à un ensemble de découvertes déjà considérable, et qui s’accroît chaque jour.