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brisant la capsule reproductrice et s’échappant pour nager dans le liquide où il se métamorphosera plus tard[1]. Le même observateur signale des branches du polypier qui se chargent exclusivement de polypes reproducteurs femelles, tandis que d’autres ne portent que des polypes reproducteurs mâles. En un mot, plus on avance dans ce champ de découvertes, plus il semble s’agrandir et présenter à chaque pas de nouveaux aspects.

De ce qui précède on peut déjà conclure que les rapports des polypes avec les acalèphes sont bien plus intimes qu’on ne le croyait il y a dix ans à peine. Les recherches les plus récentes tendent à diminuer encore la distance primitivement établie entre ces deux classes. Les lecteurs de la Revue se rappellent peut-être encore ce que je leur disais, il y a quelques années, des stéphanomies, de ces guirlandes animées aux fleurs d’émail, aux filamens de cristal pressés sur un axe transparent, que surmonte une vessie remplie d’air et servant de flotteur à ces singuliers organismes[2]. Ces êtres étranges peuvent être pris pour type d’un groupe que Cuvier créa sous le nom d’acalèphes hydrostatiques, et que le naturaliste allemand Escholtz appela plus tard siphonophores. Bien longtemps les zoologistes sont restés dans le doute sur la nature de ces animaux. MM. Vogt[3] et Leuckart[4], ramenés par un examen attentif aux idées de notre célèbre voyageur naturaliste Lesueur, proposèrent, il y a peu d’années, de les regarder comme des polypes composés, et cette manière de voir a été pleinement confirmée, surtout par les travaux de MM. Huxley[5], Kœlliker[6], Geyenbaur[7], et par nos propres

  1. Lettre sur la Génération médusipare des Polypes hydraires, 1849, Annales des Sciences naturelles. Je regrette de ne pouvoir reproduire ici bien des passages de ce mémoire, en particulier de ne pouvoir exposer les différences qui existent entre les observations de M. Desor et celles de M. Saars relativement au développement des aurélies. M. Desor a vu entre autres les proglottis, c’est-à-dire les méduses bien caractérisées, se former par bourgeonnement à l’intérieur du scyphistoma, c’est-à-dire à l’intérieur de la méduse encore à l’état hydraire, et sortir empilés par la bouche du polype qui persiste après leur séparation totale. Comme il s’agit ici de faits simples et d’une observation aisée, il me semble que les deux naturalistes pourraient bien avoir raison et qu’une différence d’espèces suffit pour expliquer leurs apparentes contradictions.
  2. Revue des Deux Mondes, 15 décembre 1845.
  3. Océan und Midlmeer, 1848.
  4. Mémoire sur la Structure des Physalies et des Siphonophores en général, 1851, traduit dans les Annales des Sciences naturelles, 1852. Ce premier mémoire de Leuckart avait été fait sur des animaux conservés dans l’alcool. L’auteur l’a depuis complété et étendu dans un nouveau travail qui forme la première partie de ses Zoologische Untersuchungen, 1853.
  5. Sur la structure des acalèphes, journal l’Institut, 1851.
  6. Die Schwimmpolupen oder Siphonophoren von Messina, 1858.
  7. Beilrœge zur nähren Kenntniss der Schwimmpolypen, 1854.