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leur serait en effet inutile. Restés en communication avec les parties vivantes du polypier, ils profitent de la nourriture qu’apportent à la communauté leurs frères à longs tentacules. D’ailleurs leur vie est courte. Les larves ne tardent pas à s’échapper pour aller fonder au loin de nouvelles colonies. Leur rôle une fois joué, ces polypes-mères se flétrissent sur place et sont peu à peu résorbés.

Quoique paraissant d’abord en différer beaucoup, ces faits se rattachent de très près à ce que nous avons vu se passer dans les aurélies. Dans les deux cas, nous voyons sortir de l’œuf une larve ciliée, un scolex ; toutefois chez la campanulaire le premier polype résulte non d’une simple métamorphose, mais bien d’un véritable bourgeonnement, qui produit un être très différent du premier. Il y a donc ici une seconde génération de scolex, un deutoscolex, qui se multiplie sous sa nouvelle forme. Le polypier qui en résulte est en quelque sorte un deutoscolex composé, lequel engendre le strobila, représenté par la capsule renfermant les polypes reproducteurs. Enfin ces polypes-mères, qui portent des œufs dans leur sein, sont autant de proglottis correspondant aux petites méduses qui se transforment en aurélies et à ces dernières elles-mêmes ; seulement ils doivent vivre et se flétrir sans avoir jamais mené une vie indépendante.

Les rapprochemens que nous venons de faire sembleront peut-être discutables aux personnes qui ne connaissent pas l’ensemble des faits ; mais qu’on parcoure seulement les principaux travaux publiés par MM. Ehreuberg[1], Krohn, Kœlliker, Dalyell, Dujardin[2], et l’on ne conservera guère de doute à cet égard. Qu’on lise attentivement les grands mémoires de M. van Bénéden sur les campanulaires et les tubulaires[3], et, malgré des erreurs de détermination depuis longtemps rectifiées par l’auteur lui-même, on verra les faits en apparence les plus éloignés irrécusablement rattachés les uns aux autres par une foule de faits intermédiaires. Chez ces animaux placés au bas de l’échelle, la nature semble se plaire à dédaigner les lois d’embryogénie si constantes dans les groupes supérieurs. On trouve dans un même genre et d’une espèce à l’autre les différences les plus sensibles. Nous venons de voir avec Löwen la méduse proglottis d’une campanulaire rester fixée au polype qui l’a engendrée, et voilà que dans une autre espèce, la campanulaire gélatineuse, M. Desor nous montre l’animal, parvenu à la même phase,

  1. Corallenthiere des Rothen Meeres, 1834.
  2. Mémoire sur le Développement des Méduses et des Polypes hydraires, 1845, Annales des Sciences naturelles. J’ai fait connaître avec quelque détail les résultats principaux de ce beau travail dans un de mes articles intitulés Souvenirs d’un Naturaliste, Revue des Deux Mondes, 15 décembre 1845.
  3. Mémoires de l’Académie de Bruxelles, 1843 et 1844.