Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/848

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de points, la plupart doivent précéder ou remplacer le drainage. Même en Angleterre, le drainage ne marche pas vite ; les cent millions offerts en prêts par l’état aux propriétaires de la Grande-Bretagne ne sont pas épuisés ; les compagnies spéciales qui se sont créées n’ont pas encore avancé beaucoup de capitaux, et elles prêtent pour toutes les améliorations foncières en même temps que pour le drainage. On marche pas à pas, on tâtonne, on cherche des moyens plus économiques, et on en trouve quelquefois ; on ne consacre à cet emploi que ce qu’il paraît véritablement utile d’y consacrer. S’il y a eu de grands, de magnifiques succès, il y a eu aussi de nombreuses écoles.

Quoi qu’il en soit, il ne reste plus qu’à faire des vœux pour que les cent millions soient bien dépensés. La bonne exécution est difficile, mais non impossible. Après tout, il ne s’agit que de 400,000 hectares environ ; il est possible de choisir, en ne se pressant pas, un pareil nombre d’hectares où le succès du drainage soit sûr et complet. Suivant toute apparence, ils se trouveront surtout dans les parties de la France les plus riches et les plus rapprochées de Paris ; ce sera un privilège de plus pour des régions déjà favorisées sous tous les rapports, inconvénient inévitable de ces mesures partielles qui consistent à prendre à tous pour donner à quelques-uns. La combinaison qui se présenterait le plus naturellement pour répandre avec quelque égalité la somme prêtée serait d’affecter un million à chaque département pour y drainer environ 20,000 hectares ; elle a ses embarras et ses dangers, en ce que tous ne présentent pas les mêmes chances de succès. La liberté la plus absolue est ici nécessaire chez ceux qui seront chargés d’appliquer la loi sous leur responsabilité : si l’opération ne réussissait pas, il y aurait dans ce pays si mobile une réaction terrible contre le drainage ; personne n’en voudrait plus entendre parler, ce qui serait un grand malheur.

Passons maintenant aux autres formes que peut prendre le crédit. On accuse beaucoup le Crédit foncier de n’avoir pas rempli les espérances qu’il avait fait naître ; cette allégation n’est pas juste. Non-seulement le Crédit foncier a fait tout ce qu’il pouvait faire, mais il a été au-delà ; ce qui le prouve, c’est le taux de ses obligations. Dès qu’il a vu son crédit baisser, il devait s’arrêter. Cette institution ne peut être qu’un intermédiaire ; elle emprunte d’une main pour prêter de l’autre ; dès l’instant qu’on cesse de lui prêter, elle ne peut plus prêter elle-même. La baisse de ses obligations a eu plusieurs causes, la principale est l’emprunt public de 1,500 millions, qui leur a fait une concurrence formidable, puis cette foule d’actions et d’obligations qui offrent des conditions meilleures : dans cette situation, c’est déjà beaucoup que d’avoir pu réunir 60 millions. L’institution du Crédit foncier me paraît destinée à transformer l’hypothèque ; mais cette immense révolution ne peut s’accomplir comme un changement