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leur altération fondamentale sous l’influence des agens extérieurs ? Peut-on, en plaçant des plantes ou des animaux dans des atmosphères artificielles, avec des circonstances de chaleur, de lumière, d’humidité convenables, en modifier tellement la constitution, qu’il se produise des espèces nouvelles ? En agissant sur des germes, des graines, des œufs, du frai, des embryons, obtiendrait on d’autres espèces que celles qui, dans la nature de nos jours, résultent du développement de ces rudimens d’êtres vivans où brillent si merveilleusement l’art et l’industrie de la puissance créatrice ? Ici le microscope, en sondant l’infiniment petit, rencontre encore plus de dessein, d’intention, de fait-exprès, que n’en peut conjecturer le télescope en sondant l’infiniment grand des cieux, ces nuages de poussière céleste dont chaque grain est un soleil, et cet entassement de pareils nuages les uns derrière les autres, à une distance telle qu’un rayon de lumière, qui en une seconde fait sept ou huit fois le tour de la terre, mettrait un million d’années (365,000,000 de jours !) à nous arriver des plus lointains de ces soleils visibles. Entre les questions qui se rapportent à la matière inerte et celles qui ont pour objet la nature vivante, soit végétale, soit animale, la différence de difficulté est immense, et les progrès très inégaux que l’esprit humain a faits dans ces deux ordres de sciences sont là pour en attester l’inégale complication. L’étude microscopique du développement du germe d’un grain de blé surpasse tous les miracles du ciel des astres, et confirme le sens de ces deux beaux vers :

Maximus in minimis certè Deus, et mihi major
Quam vasto cœli in templo, astrorumque catervà.

« C’est dans les petits objets que la puissance divine se montre la plus grande, plus grande que dans la vaste étendue du ciel et le cortège imposant des astres. »

J’ai déjà plusieurs fois dans cette Revue mentionné les travaux de M. Ville[1], que l’Académie des Sciences connaît et estime pour de nombreuses recherches de physiologie végétale. Approuvées par les rapports des commissions nommées pour les juger, ces recherches ont été exécutées au moyen d’appareils de dimensions inusitées, qui permettent de faire vivre les plantes dans des atmosphères artificielles sans cesse entretenues à la même composition par des courans de gaz réglés avec la dernière précision, au moyen de réservoirs immenses gradués de même dans leur écoulement. L’air, les plantes,

  1. Recherches expérimentales sur la végétation, par M. George Ville, Paris, 1853. — Mémoires du même auteur, et Rapports à l’Académie des Sciences sur les travaux de M. Ville Comptes-Rendus de l’Institut, 1855 et 1856.