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M. Flourens admet avec Buffon. L’empereur Claude, dans l’orgueil de la pourpre romaine, disait insolemment que tout homme qui ne naissait pas roi était un sot : Aut regem aut fatluum nasci oportere. Admettons que tout homme qui ne meurt pas centenaire est une dupe, et réglons-nous là-dessus ! Cette assertion sur l’égale longévité dans tous les climats me paraissait contraire toutefois à ce qu’on raconte de la prétendue longévité des habitans du Nord. Je suis donc allé consulter là-dessus M. le capitaine d’Arpentigny, qui vient de publier la deuxième édition de son traité curieux de la Science de la Main ou Chirognomonie. C’est une des plus intéressantes études des rapports du moral au physique, science assez négligée de nos jours. M. d’Arpentigny est un excellent observateur ; laissons-le parler. « En revenant de Russie, où j’étais prisonnier de guerre, j’avais pour guide de ma voiture ou chariot un centenaire fort actif. En passant près d’un champ à moitié moissonné, il nous offrit de nous montrer son père encore vivant. Nous vîmes assis sur quelques gerbes un vieillard que la décrépitude paraissait avoir respecté, ayant une très belle et longue barbe blanche, et fixant ses yeux sur le soleil, qui était à ce moment très vif et très éclatant. Là-dessus on nous dit que depuis plusieurs années ce vieillard était aveugle ; il avait alors 125 ans, et je remarquai avec étonnement que l’extrémité inférieure de sa barbe était noire ; on nous dit que c’était à cause de son très grand âge, et que c’était un signe de mort prochaine quand la barbe et les cheveux noircissaient ainsi, et que les dents repoussaient aux gens très âgés. » M. d’Arpentigny remarque judicieusement que les centenaires fixent l’attention en Russie comme ailleurs. C’est donc un cas exceptionnel, et par suite la longévité n’y est pas plus grande que chez nous. Là, comme en France, c’est le privilège de certaines familles, dont presque tous les individus atteignent un âge très avancé.

Le genre de vie ne paraît pas non plus avoir beaucoup d’influence sur la longévité. Un célèbre magistrat anglais, qui avait occasion de voir à la barre de son tribunal un grand nombre de personnes, s’informait exactement de tous les vieillards quel avait été le régime qui leur avait si bien réussi. La seule chose qui se trouvât commune à tous, ce n’était pas un genre de vie spécial, c’était l’habitude de se lever matin. C’est donc une prescription hygiénique à ne pas oublier.

On trouve dans le livre de M. Flourens plusieurs données curieuses sur la longévité dès animaux, et sur le rapport de la durée de la vie avec la durée de la croissance de l’animal. L’ouvrage est aussi utile par les erreurs qu’il détruit que par les vérités qu’il proclameé. Je ne connais rien de certain, dit l’auteur, touchant la vie des oiseaux. Cependant le corbeau, le perroquet et le cygne paraissent