les pères de Dordrecht. Au reste, M. Groen lui-même est débordé. Sous le nom de séparatistes, il s’est formé en Hollande une nouvelle église, qui, trouvant que l’église nationale a dévié des saines doctrines, se retire et rompt tout pacte avec l’impiété. Cette secte a d’abord été persécutée par le gouvernement de Guillaume Ier, ses premiers apôtres ont émigré en Amérique ; mais, accrue par ses souffrances, elle a conquis aujourd’hui droit de cité religieuse. M. Groen n’approuve point la conduite des séparatistes. « Ce n’est pas à nous, leur dit-il, de nous retirer ; ces églises, envahies maintenant par de fausses doctrines et par de faux docteurs, ces églises sont à nous. Nous sommes les élus, les véritables enfans de la Hollande ; il ne faut point déserter la place, il faut chasser les infidèles. »
Si absolu qu’il soit, le parti de M Groen n’affirme rien ; il vit de négations. Selon lui, la révolution française a été la boîte de Pandore renversée sur le monde. Voudrait-il donc restaurer en Hollande l’ordre de choses antérieur à la révolution de 1795 ? Il le nie. On lui suppose un goût médiocre pour le gouvernement représentatif : il déclare ne pas vouloir du despotisme. On l’accuse de voiler sa pensée et de ne se réserver qu’une valeur d’opposition. Cette opposition atrabilaire s’attaque sans cesse aux progrès de l’ordre politique et civil, aux diminutions d’impôts, aux mesures qui ont en vue la séparation de l’église et de l’état. Ce parti s’appuie sur les deux extrémités de l’échelle sociale, la classe aristocratique et la classe pauvre. La classe moyenne le repousse. À voir les stériles et chimériques entreprises de M. Groen, on regrette qu’un esprit d’élite épuise ainsi son énergie sur un anachronisme. Le parti des groenistes a beau se remuer en Hollande : au moins quant à présent, il n’est pas dangereux. Le pays le regarde et l’écoute avec plus de curiosité que de sympathie. Si par hasard il entraîne et passionne les masses, c’est quand il agite le drapeau du protestantisme, lequel est pour ainsi dire le vêtement moral de la nation. Il peut alors se faire illusion sur son influence ; mais cette force, empruntée aux souvenirs de l’histoire et aux croyances religieuses, l’abandonne tout à coup dès qu’il découvre ses desseins rétrogrades. M. Groen n’en est pas moins une personnalité considérable. Il est un des types les plus parfaits de l’austérité calviniste, qu’il ne faut point confondre du reste avec la mortification catholique. Pourvu d’une immense fortune, dont il se sert noblemen, M. Groen habite à La Haye une maison princièrement située sur le bord du Vivier, vaste et pittoresque nappe d’eau dans laquelle se réfléchit au clair de lune l’ombre du vieux palais des états.
M. Groen est le prosateur de l’orthodoxie : M. da Costa en est le poète. Ce dernier est fils d’un riche juif portugais ; il fut converti au christianisme par l’influence de Bilderdijk. En changeant de religion,