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opération du scalp. En 1849, plus de deux cents personnes, à ma connaissance, ont été scalpées dans l’ouest du Texas, et toutes ont succombé, sauf cette femme, qui n’a fait peut-être que souffrir plus longtemps. J’ai bien vu à San-Antonio un homme qui avait été scalpé ; mais il l’avait été dans un bois, à l’abri des rayons du soleil, et les secours avaient été immédiats : deux conditions qui ne se rencontrent guère dans les solitudes où les Indiens exercent leurs fureurs. Il faut dire aussi que les Mexicains des frontières semblent plus vigoureusement constitués que les autres.

Une Mexicaine de ces contrées, étant allée cueillir dans les bois de la salade sauvage, fut enlevée par quelques Peaux-Rouges. Un d’eux lui coupa la peau jusqu’à l’os, tout autour de la tête ; il ne restait, pour qu’elle fût tout à fait scalpée, qu’à enlever cette peau avec la chevelure, quand un autre Indien s’interposa, la prit pour femme et l’emmena meurtrie dans sa tente. Elle résista énergiquement à la brutale convoitise de son nouveau mari, et reçut des coups de corde si vigoureux que son corps était sillonné d’empreintes sanglantes. Quelques jours après, l’Indien, toujours repoussé par elle, vint avec une hache, et, exaspéré de sa résistance, frappa deux coups dont l’un lui enleva une partie du sein, et l’autre lui fit une profonde blessure à la jambe. Inanimée et étendue sur une peau de buffle, elle reçut les soins d’une espèce de docteur magicien et prêtre tel qu’en ont toutes les tribus, et qui la traita avec des passes magnétiques, des sucs d’herbes el de superstitieuses cérémonies. Comme elle était revenue à la santé, son mari partit pour la chasse aux buffles. Ramassant toutes ses forces, elle résolut de fuir, se glissa pendant la nuit à travers les tentes, saisit un mustang qui broutait l’herbe de la prairie, et partit à toute bride vers le sud. Un instant après, le mari revint dans la tente, soit qu’il eût changé de projet, soit qu’il dût s’absenter moins longtemps que la Mexicaine n’avait cru. Trouvant sa tente vide et reconnaissant qu’un cheval manquait, il étudia les traces laissées sur l’herbe et aux broussailles ; il sauta sur le meilleur mustang et partit avec la rapidité de la fureur. Quand arriva le jour, il remarqua que les traces étaient fraîches ; il redoubla d’ardeur, et deux heures après, arrivé dans une grande prairie, il aperçut la fugitive ! Il ne put retenir sa joie sauvage et poussa un cri terrible. La Mexicaine, toujours galopant, tourna la tête, vit le danger, et par sa voix, ses coups, ses gestes, excita si bien son cheval, qu’elle put garder l’avance. Déjà elle entrait dans la plaine de Vandenberg ; mais l’Indien n’était plus qu’à deux cents mètres. À cet instant, deux habitans de Castroville entraient d’un autre côté dans la plaine. En voyant cette poursuite, ils accoururent. La Mexicaine se dirigea vers eux ; elle ne les avait pas atteints, qu’elle s’affaissa avec son cheval et roula sur l’herbe. Le cheval expira. L’Indien, voyant deux hommes,