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LE JOURNAL
D’UN MISSIONNAIRE
AU TEXAS


En 1846, l’évêque du Texas, Mgr Odin, était venu à Lyon recruter des missionnaires, c’est-à-dire des desservans pour les colonies d’Européens, chaque jour plus nombreuses, qui s’établissaient dans son diocèse. Il parla, dans une prédication éloquente, de ces contrées lointaines où s’élevaient des nations nouvelles, de ces masses d’émigrans qui, dispersés et disséminés dans les solitudes, vivraient sans les secours de la religion, si des prêtres dévoués ne les suivaient résolument au milieu des plaines et des bois. Il ne cacha point à ses auditeurs les dangers et les misères, les aventures et les souffrances qui attendaient là-bas le missionnaire. « Vous n’aurez pas toujours de quoi manger et boire, vous voyagerez sans cesse dans un pays inconnu où les distances sont énormes, les plaines immenses, les forêts gigantesques. Vous passerez des nuits sur une terre humide et des jours sous un soleil brûlant, vous traverserez des périls de toute sorte, et vous aurez besoin d’énergie et de hardiesse ; mais considérez la grandeur de l’œuvre et le mérite de cette tâche, pleine d’épreuves et de hasards ! » J’étais alors âgé de vingt ans à peine, et je n’avais pas encore terminé mes études ecclésiastiques : je n’en résolus pas moins d’obéir à la voix que je venais d’entendre, et les missions américaines m’apparurent dès lors comme le but où m’appelait une vocation irrésistible, subitement révélée.